Chapitre 7 : Comprendre les technologies en éducation

7.5 Diffusion ou interactivité?

Figure 7.5.1 : Diffusion ou communication interactive?

7.5.1 Médias de diffusion ou de communication interactive

Une distinction structurelle majeure est faite entre les médias de « diffusion » pour lesquels les communications sont principalement univoques (d’une personne vers un public) et unidirectionnelles, et les médias dits multivoques ou « interactifs », c’est-à-dire dont les communications circulent principalement entre diverses personnes qui interagissent, ce qui permet la mise en place de liens bidirectionnels ou multidirectionnels. Dans les versions antérieures de ce livre, j’ai utilisé le terme « communicatif » au lieu d' »interactif ». Cependant, la radiodiffusion est également communicative. L’interactivité met l’accent sur la relation entre tous les participants à la communication, ce qui permet des connexions de communication bidirectionnelles ou multiples. Les moyens de communication interactifs comprennent ceux qui donnent le même « pouvoir » de communication à plusieurs utilisateurs finaux. La différence entre les technologies synchrones et asynchrones fait actuellement l’objet de nombreuses discussions dans le domaine de l’éducation, mais la distinction entre les technologies de diffusion et les technologies de communication interactives est tout aussi importante.

7.5.1.1 Médias de diffusion

La télévision, la radio et la presse écrite, par exemple, sont principalement des médias de diffusion ou à sens unique, car les utilisateurs finaux ou « destinataires » ne peuvent pas modifier le « message » (même s’ils peuvent l’interpréter différemment ou choisir de l’ignorer). Il convient de noter que la technologie de diffusion utilisée pour la télévision (radiodiffusion terrestre, satellite, câble, DVD, Internet) n’a pas d’importance, car la télévision reste un média de « diffusion » ou un média à sens unique. Certaines technologies Internet sont également essentiellement unidirectionnelles. Par exemple, un site Web d’un établissement est avant tout une technologie à sens unique.

Nous pouvons également appliquer cette analyse aux moyens de communication non technologiques, ou « médias », tels que l’enseignement en classe. La plupart des cours magistraux « transmissifs » sont également un média de diffusion (un message pour tous les participants et peu ou pas d’interaction) alors qu’un petit groupe de séminaire présente les caractéristiques d’une communication interactive.

Affordances

  • L’un des avantages des médias et des technologies de diffusion est qu’ils garantissent une norme commune de matériel d’apprentissage pour tous les étudiants. Cela est particulièrement important dans les pays où les enseignants sont peu qualifiés ou de qualité variable.
  • En outre, les médias de diffusion unidirectionnels permettent à l’organisation de contrôler et de gérer l’information transmise, garantissant ainsi un contrôle de la qualité du contenu.
  • Les médias et technologies de diffusion sont plus susceptibles d’être privilégiés par ceux qui ont une approche « objectiviste » de l’enseignement et de l’apprentissage, puisque les connaissances « correctes » peuvent être transmises à tous ceux qui reçoivent l’instruction.

7.5.1.2 Médias de communications interactive

Le téléphone, la vidéoconférence, le courrier électronique, les forums de discussion en ligne, les séminaires et les séances de tutorat où les étudiants jouent un rôle majeur dans la discussion, la plupart des médias sociaux et Internet sont des exemples de médias ou de technologies interactifs, en ce sens que tous les utilisateurs peuvent communiquer et interagir les uns avec les autres et qu’ils ont, en théorie du moins, un pouvoir égal en matière de technologie.

Affordances

  • L’importance pédagogique des médias de communication interactive réside dans le fait qu’ils permettent une interaction entre les apprenants et les enseignants, et peut-être plus encore, entre un apprenant et d’autres apprenants.

7.5.2. Une dimension flexible

Contrairement à la dimension synchrone et asynchrone, cette dimension n’est pas rigide et ne donne pas lieu à une classification claire ou sans ambiguïté. Par exemple, un cours magistral ininterrompu est manifestement un média de diffusion, mais la plupart des cours magistraux permettent au moins quelques questions ou interactions. En outre, la plupart des technologies sont quelque peu flexibles en ce sens qu’elles peuvent être utilisées de différentes manières. Les technologies de vidéoconférence telles que Zoom en sont un bon exemple. Ils peuvent être utilisés aussi bien en mode diffusion (cours magistraux) qu’en mode interactif (réunions ou salles de répartition pour permettre aux étudiants de discuter).

Toutefois, si nous poussons trop loin l’utilisation d’un média, par exemple en essayant de rendre un média de diffusion tel qu’un xCLOM plus interactif, des tensions risquent de se produire, comme le fait que les étudiants soient submergés par la quantité de communications. Je pense donc que cette dimension reste utile, tant que nous ne sommes pas dogmatiques quant aux caractéristiques des différents médias ou technologies. Il s’agit donc d’examiner chaque cas séparément, et notamment la manière dont les médias ou technologies sont utilisés dans des contextes spécifiques.

Je considère donc qu’un système de gestion de l’apprentissage (SGA) est avant tout une technologie de diffusion ou à sens unique, même s’il possède des fonctions telles que les forums de discussion qui permettent certaines formes de communication multidirectionnelle entre les étudiants, et entre les étudiants et le formateur. Toutefois, on pourrait faire valoir que les fonctions de communication d’un SGA exigent des technologies supplémentaires, telles qu’un forum de discussion et le courrier électronique, qui sont simplement branchées ou intégrées au SGA, qui est avant tout une base de données avec une interface conviviale. Nous verrons que, dans la pratique, il faut souvent combiner les technologies pour obtenir l’ensemble des fonctions nécessaires en éducation, ce qui augmente les coûts et la complexité.

La position des sites Web sur cette dimension peut varier en fonction de leur conception. Par exemple, le site Web d’une compagnie aérienne, bien qu’il soit sous le contrôle total de l’entreprise, comporte des fonctions interactives qui vous permettent de trouver des vols, de les réserver, de choisir des sièges, et donc, bien que vous ne puissiez pas « communiquer » ou modifier le site, vous pouvez au moins interagir avec lui et, dans une certaine mesure, le personnaliser. En revanche, vous ne pouvez pas modifier la page présentant le choix de vols. C’est pourquoi je préfère parler de dimensions. Un site Web de compagnie aérienne qui permet l’interaction avec l’utilisateur final est moins un média de diffusion. Cependant, il ne s’agit pas non plus d’un média interactif « pur ». Le pouvoir n’est pas égal entre la compagnie aérienne et le client, car la compagnie aérienne contrôle le contenu du site.

Il convient également de noter que certains médias sociaux (par exemple, YouTube et les blogues) sont davantage des médias de diffusion que des médias interactifs, tandis que d’autres médias sociaux (tels que Signal ou Telegraph) utilisent principalement des technologies interactives avec certaines caractéristiques de diffusion (par exemple, des informations personnelles sur une page Facebook). Un wiki est manifestement plus un média « interactif ». Une fois encore, il convient de souligner que l’intervention intentionnelle des enseignants, des concepteurs ou des utilisateurs d’une technologie peut influencer la position de certaines technologies sur la dimension, bien qu’il arrive un moment où la caractéristique est si forte qu’il est difficile de la modifier de manière significative sans introduire d’autres technologies.

Le rôle de l’enseignant ou du formateur tend également à être très différent selon qu’il fasse appel à des médias de diffusion ou de communication interactive. Dans les médias de diffusion, le rôle de l’enseignant est central, dans la mesure où le contenu est choisi et souvent diffusé par le formateur. Les xCLOM en sont un excellent exemple. Toutefois, dans les médias de communication interactive, si le rôle du formateur peut encore être central, comme dans l’apprentissage collaboratif en ligne ou les séminaires, il existe également des contextes d’apprentissage où il n’y a pas d’enseignant « central » identifié, les contributions provenant de tous ou de nombreux membres de la communauté, comme dans les communautés de pratique ou les cCLOM.

Bref, on constate que le « pouvoir » est un aspect important de cette dimension. Quel est le « pouvoir » de l’utilisateur final ou de l’étudiant dans le contrôle d’un média ou d’une technologie particulière? Si nous examinons la question d’un point de vue historique, nous avons assisté ces dernières années à une forte expansion des technologies qui donnent de plus en plus de pouvoir à l’utilisateur final. L’évolution vers des moyens de communication plus interactifs et le recul des médias de diffusion ont donc de profondes implications pour l’éducation (comme pour la société dans son ensemble).

Cependant, les technologies deviennent de plus en plus complexes et peuvent remplir un large éventail de fonctions. En particulier, Internet n’est pas tant un média unique qu’un cadre d’intégration pour de nombreux médias et technologies différents ayant des caractéristiques différentes et souvent opposées.

7.5.3 Application de la dimensions aux médias éducatifs

Dans la Figure 7.5.2, j’ai placé certaines technologies courantes, les médias en classe et les médias en ligne sur le continuum diffusion/communication interactive.

Figure 7.5.1 : Diffusion ou communication interactive?

Lors de cet exercice, il est important de noter que :

  • il n’y a pas de jugement normatif ou évaluatif général sur le continuum. La diffusion est un excellent moyen de transmettre des informations sous une forme constante à un grand nombre de personnes; la communication interactive fonctionne bien lorsque tous les membres d’un groupe ont quelque chose d’égal à apporter au processus de développement et de diffusion des connaissances. L’évaluation du caractère approprié du média ou de la technologie dépendra fortement du contexte, et en particulier des ressources disponibles et de la philosophie générale de l’enseignement à appliquer;
  • l’endroit où se situe un média ou une technologie particulière sur le continuum dépend dans une certaine mesure de la conception, de l’utilisation ou de l’application réelle. Par exemple, si le présentateur parle pendant 45 minutes et laisse 10 minutes de discussion, ce cours interactif peut être plus proche de la diffusion que si la séance de cours est plutôt une séance de questions et réponses;
  • j’ai placé les « ordinateurs » au milieu du continuum. On peut les utiliser comme média de diffusion, par exemple, pour transmettre du contenu, ou on peut les utiliser de manière interactive, par exemple, pour les discussions en ligne. Leur position réelle sur le continuum dépendra donc de la manière dont nous choisissons d’utiliser les ordinateurs en éducation;
  • la décision importante du point de vue de l’enseignement est de déterminer l’équilibre souhaité entre la « diffusion » et la « discussion » ou l’interaction. Cela devrait donc constituer un facteur orientant la décision dans le choix des technologies appropriées;
  • le continuum est un outil heuristique qui permet à un enseignant de réfléchir au média ou à la technologie qui sera le plus approprié dans un contexte donné, et non une analyse ferme de la place des différents types de médias ou de technologies éducatives sur le continuum.

Ainsi, la position d’un média ou d’une technologie sur le continuum diffusion/interaction est un facteur à prendre en considération lors de la prise de décisions concernant les médias ou les technologies pour l’enseignement et l’apprentissage.

7.5.4 L’importance d’Internet

Diffusion / interactivité et synchrone / asynchrone sont deux dimensions distinctes. En les plaçant dans un diagramme, il est possible de classer différentes technologies dans différents quadrants, comme dans la Figure 7.5.3 ci-dessous. (je n’en ai inclus que quelques-unes – vous voudrez peut-être placer d’autres technologies sur ce diagramme) :

Figure 7.5.3 Comment Internet intègre les médias

La raison pour laquelle Internet est si important est qu’il s’agit d’un média global qui englobe tous ces autres médias et technologies, offrant ainsi d’immenses possibilités pour l’enseignement et l’apprentissage. Cela nous permet, si nous le souhaitons, d’être très spécifiques sur la manière dont nous concevons notre enseignement, de sorte que nous pouvons exploiter toutes les caractéristiques ou dimensions de la technologie pour nous adapter à presque tous les contextes d’apprentissage grâce à ce seul média.

Activité 7.5 Diffusion ou interactivité?

D’après la liste suivante :

    • un blogue
    • l’apprentissage collaboratif en ligne
    • Twitter
    • les mondes virtuels
    • un balado
    • un manuel ouvert
  1. Déterminer ce qui est un média et ce qui est une technologie, ou ce qui pourrait être les deux, et dans quelles conditions.
  2. Décidez où, d’après votre expérience, chaque média ou technologie devrait être placé sur la Figure 7.5.3. Notez pourquoi.
  3. Quels éléments ont été faciles à classer et lesquels ont été difficiles à classer?
  4. Dans quelle mesure ce continuum est-il utile pour décider du média ou de la technologie à utiliser dans votre enseignement? Qu’est-ce qui vous aiderait à décider?

Vous pouvez consulter mon analyse en cliquant ici.

Licence

Symbole de License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale 4.0 International

L’enseignement à l’ère numérique Droit d'auteur © 2023 par Anthony William (Tony) Bates est sous licence License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale 4.0 International, sauf indication contraire.

Partagez ce livre