Chapitre 13 : Garantir l’enseignement de qualité à l’ère numérique

13.9 Étape 7 : Concevoir la structure du cours et les activités d’apprentissage

 

Figure 11.9.1 Structure is critical for a quality course or program Image: © Arisean Reach, 2012
Figure 13.9.1 Une bonne structure est essentielle pour un cours ou programme de qualité
Image: © Arisean Reach, 2012

L’importance de fournir aux étudiantes et étudiants une structure pour l’apprentissage et un ensemble d’activités d’apprentissage appropriées est probablement la plus cruciale de toutes les étapes pour un enseignement et un apprentissage de qualité. Et pourtant, cet aspect est celui qui est le moins discuté dans la littérature portant sur l’assurance de la qualité.

13.9.1 Quelques observations générales au sujet de la structure dans l’enseignement

Examinons tout d’abord sa définition, puisque cet aspect ne fait que très rarement l’objet d’une discussion directe dans l’enseignement en face-à-face ou en ligne. Et ce, en dépit du fait que la structure soit l’un des principaux facteurs qui influencent la réussite des apprenantes ou apprenants. Voici trois définitions de dictionnaire pour le terme « structure » :

  1. Quelque chose composé de plusieurs parties, qui sont placées ou assemblées ensemble d’une façon particulière.
  2. La façon dont ces parties sont disposées ou assemblées pour former un tout.
  3. L’interrelation ou la disposition des parties dans une entité complexe.

La structure de l’enseignement pourrait inclure deux éléments critiques reliés :

  • le choix, la répartition et le séquençage du curriculum (contenu);
  • l’organisation délibérée des activités étudiantes par le personnel enseignant ou de formation (développement des habiletés, évaluation).

La structure d’un cours peut être rigoureuse ou non rigoureuse. Cela implique que, dans une structure d’enseignement rigoureuse, les étudiantes et étudiants savent exactement ce qu’ils doivent apprendre, ce qu’ils sont censés faire pour apprendre cela et, aussi, quand et où ils devraient le faire. Dans une structure non rigoureuse, l’activité étudiante est plus ouverte et moins contrôlée par le personnel enseignant (quoique l’étudiante ou étudiant puisse décider indépendamment d’imposer sa propre structure « rigoureuse » à son apprentissage). Le choix de la structure d’enseignement pour un cours a des répercussions sur le travail du personnel enseignant et de formation et des étudiantes et étudiants.

En ce qui a trait à la définition, la structure d’enseignement « rigoureuse » n’est pas en soi meilleure qu’une structure « non rigoureuse » (voir la Section 13.9.5 ci-dessous), ni, par nature, associée à l’enseignement en face-à-face ou en ligne. Le choix (comme c’est souvent dans l’enseignement) dépendra des situations spécifiques. Cependant, il est crucial pour la qualité de l’enseignement et l’apprentissage de choisir la structure d’enseignement optimale ou la plus appropriée. Et même si les structures optimales pour l’enseignement en ligne partagent plusieurs caractéristiques avec l’enseignement en face-à-face, elles diffèrent par ailleurs considérablement.

Les trois principaux déterminants d’une structure d’enseignement sont :

  • (a) les exigences organisationnelles de l’établissement d’enseignement;
  • (b) la philosophie d’enseignement préférée de l’enseignant ou de l’instructeur;
  • (c) la perception des besoins des étudiantes et étudiants par l’enseignant ou l’instructeur.

13.9.2 Les exigences organisationnelles de l’établissement en matière d’enseignement en présentiel

Quoique la structure institutionnelle dans l’enseignement en face-à-face soit si familière qu’elle est souvent ignorée ou tenue pour acquise, les exigences de l’établissement d’enseignement sont, en effet, un déterminant majeur de la manière dont l’enseignement est structuré. De plus, ces exigences influent aussi sur le travail du personnel enseignant et sur la vie des étudiantes et étudiants. Je présente ci-dessous une liste de quelques exigences institutionnelles, qui ont un impact sur la structure de l’enseignement en présentiel dans l’éducation postsecondaire :

  • le nombre minimum d’années d’études requises pour obtenir un grade;
  • le processus d’approbation et de révision des programmes;
  • le nombre de crédits requis pour obtenir un grade;
  • la relation entre les crédits et le temps de contact dans la classe;
  • la durée d’un semestre et sa relation avec les heures-crédits;
  • les ratios enseignant-étudiant;
  • la disponibilité d’espaces de salle de classe ou de laboratoire;
  • le calendrier et le lieu des examens.

Il existe probablement beaucoup d’autres exigences institutionnelles. Et il y aussi des exigences organisationnelles semblables dans les établissements d’enseignement du système scolaire, notamment : la durée de la journée scolaire, le calendrier des jours fériés, etc. (Pour comprendre les raisons assez bizarres pour lesquelles l’unité de Carnegie se basant sur une heure d’études par l’étudiant a été adoptée aux États- Unis, voir Wikipédia.)

À mesure que la taille de nos établissements d’enseignement basés sur le campus a augmenté, leurs exigences organisationnelles se sont « solidifiées ». Sans cette structure institutionnelle, il deviendrait encore plus difficile de fournir des services d’enseignement cohérents au sein de tout établissement. En outre, une telle uniformité organisationnelle à travers les établissements d’enseignement est nécessaire aux fins de la responsabilisation, de l’accréditation, du financement gouvernemental, des transferts de crédits, de l’admission aux cycles supérieurs et d’une panoplie d’autres raisons. Il est donc difficile, voire même impossible, de changer, du moins au niveau institutionnel, les fortes raisons systémiques qui sous-tendent ces exigences organisationnelles de l’enseignement en face-à-face.

Par conséquent, le personnel enseignant doit composer avec de nombreuses contraintes massives. En particulier, le curriculum doit s’intégrer au sein des « unités » de temps disponibles, comme la durée du semestre et le nombre de crédits et d’heures de contact requis pour un cours spécifique. Il faut aussi que l’enseignement tienne compte de la taille des classes et de la disponibilité de salles de classe. De plus, il est obligatoire que les étudiantes et étudiants (ainsi que le personnel enseignant et de formation) soient présents dans des lieux spécifiques (salles de classe, salles d’examen ou laboratoires) à des moments précis.

C’est pourquoi qu’en dépit du concept de liberté universitaire, la structure de l’enseignement en face-à-face est dans une large mesure presque prédéterminée par les exigences organisationnelles de l’établissement. Je serais tenté de faire une digression pour remettre en question la pertinence de telles limitations structurelles à l’égard des besoins des apprenantes et apprenants à l’ère numérique ou pour me demander si les syndicats du personnel enseignant accepteraient ces restrictions de la liberté universitaire si elles n’existaient pas déjà. Mais le but ici est d’identifier lesquelles de ces contraintes organisationnelles s’appliquent aussi à l’apprentissage en ligne et celles qui ne sont pas applicables, parce que cela influera sur la façon dont nous pouvons structurer les activités d’enseignement.

13.9.3 Les exigences organisationnelles et institutionnelles de l’enseignement en ligne

Un défi évident à l’égard de l’apprentissage en ligne, du moins à ses débuts, était son acceptation. Il y a avait alors (et subsiste encore) beaucoup de scepticisme quant à la qualité et l’efficacité de l’apprentissage en ligne, spécialement de la part des individus qui n’ont jamais étudié ou enseigné en ligne. Donc initialement, beaucoup d’efforts ont été déployés dans la conception de l’apprentissage en ligne, ayant les mêmes objectifs et structures que l’enseignement en face-à-face, afin de démontrer que l’enseignement en ligne était « aussi bon » que l’enseignement en face-à-face (ce que suggère la recherche).

Cependant, cela implique d’accepter les mêmes hypothèses en ce qui a trait aux cours, aux crédits et aux semestres de l’enseignement en face-à-face. Il est à noter pourtant que, dès 1971, l’Open University du Royaume-Uni a mis en œuvre une structure de programmes menant à des grades, qui équivalaient à peu près au temps total d’études pour un programme régulier menant à un grade basé sur le campus. Néanmoins, cette structure était organisée très différemment : par exemple, en offrant des des cours à crédits complets de 32 semaines d’études et des cours à crédits partiels (50%) de 16 semaines d’études. Une raison de cette approche était d’habiliter des cours de base multidisciplinaires intégrés. La Western Governors’ University qui met l’accent sur l’apprentissage axé sur les compétences, et l’Empire State College de l’État de New York qui se centre sur les contrats d’apprentissage pour les apprenantes et apprenants adultes représentent d’autres exemples d’établissements d’enseignement dont les structures d’enseignement diffèrent de la norme.

Si les programmes d’apprentissage en ligne visent d’être équivalents au moins des programmes en face-à-face, il est alors probable qu’ils adoptent au moins la durée minimum d’études pour un programme (p. ex., 4 ans pour un baccalauréat en Amérique du Nord), le même nombre total de crédits pour un grade et, implicitement, la même quantité du temps d’études pour les programmes en face-à-face. Mais là où la même structure commence à tomber en panne, c’est dans le calcul du « temps de contact », qui désigne habituellement le nombre d’heures d’enseignement en salle de classe. Ainsi, un cours de 3 crédits sur 13 semaines est à peu après égal à 3 heures par semaine de temps en salle de classe durant un semestre de 13 semaines.

Il y a de nombreux problèmes à l’égard de ce concept « d’heures de contact », qui est néanmoins l’unité de mesure standard pour l’enseignement en face-à-face. Les études au niveau postsecondaire et, en particulier, dans les universités requièrent plus que seulement de se présenter aux cours magistraux. Pour chaque heure passée en salle de classe selon une estimation commune, les étudiantes et étudiants consacrent au moins deux autres heures à des lectures, des travaux de cours, etc. Les heures de contact varient énormément entre les diverses disciplines : habituellement, les étudiantes et étudiants en arts ou en lettres et sciences humaines ont beaucoup moins d’heures de contact que ceux en ingénierie ou en sciences, qui dédient une proportion beaucoup plus grande de leur temps dans des laboratoires. Une autre limitation du modèle des « heures de contact » est qu’il mesure les entrants et non pas les extrants.

Lors de la transition vers l’apprentissage mixte ou hybride, nous pouvons conserver la même structure de semestre, mais le modèle des « heures de contact » commence à s’effriter. Les étudiantes et étudiants peuvent consacrer l’équivalent de seulement une heure par semaine en classe; quant au reste de leur temps, ils le passent en ligne ou ils sont peut-être dans des laboratoires pendant 15 heures durant une semaine et, ensuite, jamais dans le reste du semestre.

Un meilleur principe serait de s’assurer que les apprenantes et apprenants inscrits à des cours ou programmes mixtes, hybrides ou entièrement en ligne étudient selon les mêmes normes universitaires que les étudiantes et étudiants qui font des études en face-à-face; ou plutôt, qu’ils consacrent un temps « hypothétique » équivalent pour suivre un cours ou pour obtenir un grade. Cela signifie de structurer les cours ou de les programmes de façon à ce que les étudiantes et étudiants aient une charge de travail équivalente à exécuter, qu’ils suivent un cours ou un programme en ligne, mixte ou en face-à-face. Toutefois, la manière dont le travail sera réparti peut varier considérablement, en fonction du mode de prestation.

13.9.4 Quelle est la charge de travail d’un cours en ligne?

Avant de prendre des décisions sur le meilleur moyen de structurer un cours mixte ou en ligne, il faut établir une hypothèse au sujet du temps d’études auquel les étudiantes et étudiants devraient s’attendre à consacrer au cours. Nous avons vu que cela doit vraiment être équivalent à celui de ceux qui étudient à temps plein. Cependant, considérer seulement le nombre équivalent des heures de contact pour la version en face-à-face du cours ne tient pas compte de toutes les autres plages de temps liées au cours, auxquelles se consacrent les étudiantes et étudiants en face-à-face.

Une estimation raisonnable est qu’un cours de 3 crédits du premier cycle équivaut environ à 8 ou 9 heures d’études par semaine ou à un total d’environ 100 heures sur 13 semaines. Cette estimation se fonde sur le modèle qu’un étudiant à temps plein, suivant 10 cours de 3 crédits chaque année (dont 5 cours de 3 crédits par semestre), étudie de 40 à 45 heures par semaine durant les deux semestres ou un peu moins si son temps d’études se poursuit pendant la période intersemestrielle).

Maintenant, cette estimation constitue ma ligne directrice, mais vous n’avez pas à l’accepter si vous croyez que c’est beaucoup trop ou insuffisant pour votre matière. Peu importe, c’est à vous de décider le temps optimal selon le contexte. Toutefois, le point important est que vous ayez une cible assez précise du temps total qui devrait être consacré sur un cours ou un programme par les apprenantes et apprenants moyens, en tenant compte que certains atteindront la même norme plus rapidement et d’autres, plus lentement. Le temps total d’études pour un bloc particulier d’un cours ou programme procure une limite ou une contrainte, au sein de laquelle vous devez structurer l’apprentissage. C’est aussi une bonne idée de communiquer clairement aux étudiantes et étudiants dès le début les attentes, quant à la durée de temps de travail qu’ils doivent consacrer au cours chacun semaine.

Puisqu’il y a beaucoup plus de contenu pouvant être incorporé à un cours, que les étudiantes et étudiants pourraient avoir le temps d’étudier. Cela signifie habituellement de choisir pour le cours un contenu minimum qui est solide du point de vue universitaire, tout en allouant du temps pour que les apprenantes et apprenants effectuent des activités comme une recherche individuelle, des travaux de cours ou autres projets. Étant donné que les enseignantes et enseignants sont des experts en la matière généralement et que les étudiantes et étudiants ne le sont pas, le personnel enseignant et de formation a tendance à sous-estimer la quantité de travail requise par ces derniers pour couvrir le contenu. Une fois de plus, un concepteur pédagogique peut être utile pour proposer une deuxième opinion sur la charge de travail étudiante.

13.9.5 Une structure rigoureuse ou non rigoureuse?

Une autre décision cruciale est de déterminer à quel point vous devriez structurer le cours pour les étudiantes et étudiants. Cela dépendra d’une part de votre philosophie d’enseignement préférée et, d’autre part, des besoins des étudiantes et étudiants.

Vous avez peut-être une vision bien arrêtée du contenu devant être couvert dans un cours particulier, et de la séquence selon laquelle il doit être présenté (ou si le curriculum a été mandaté par l’organisme d’agrément). Dans ce cas, vous opterez probablement de fournir une structure très rigoureuse exigeant des sujets spécifiques d’études à des points précis du cours, ainsi que des activités et des travaux de cours strictement reliés.

Par contre, vous croyez peut-être que les étudiantes et étudiants ont la responsabilité de gérer et d’organiser leurs études ou vous désirez leur donner des choix sur ce qu’ils veulent étudier et dans quel ordre, pourvu qu’ils réalisent les objectifs d’apprentissage pour le cours. Dans un tel cas, vous opterez alors pour une structure non rigoureuse.

En outre, le type d’étudiantes et étudiants à qui vous enseignez devrait influer sur votre décision. Si ces derniers ne possèdent aucune habileté d’apprentissage autonome ou ne savent rien au sujet de la discipline, ils auront besoin d’une structure rigoureuse pour guide leurs études, du moins au début. Mais s’ils sont dans la quatrième année du premier cycle ou font des études supérieures et qu’ils ont une bonne maitrise de l’autogestion, alors une structure moins rigoureuse pourrait mieux convenir à leurs besoins. Un autre facteur déterminant sera la taille de votre groupe-classe. Dans un cours regroupant un très grand nombre d’étudiantes et étudiants, il est nécessaire de mettre en place une structure rigoureuse bien définie afin de contrôler votre charge de travail parce que les structures non rigoureuses exigent plus de négociations et de soutien individuel.

Je préfère une structure rigoureuse pour l’enseignement entièrement en ligne, afin que les étudiantes et étudiants comprennent bien les attentes à leur égard et le calendrier des échéances pour les exécuter, et ce, même au niveau des cycles supérieurs. La différence est que je donne aux étudiantes et étudiants des cycles supérieurs plus de choix pour ce qu’ils veulent étudier et, aussi, des périodes allongées pour achever les travaux de cours plus complexes. Mais je définis encore tout de même clairement les résultats d’apprentissage souhaités quant au développement des habiletés requises en particulier (p. ex., les aptitudes de recherche ou le raisonnement analytique) et je fournis des échéances précises pour la remise des travaux de cours, sinon ma charge de travail s’accroit énormément.

L’apprentissage mixte procure une occasion d’habiliter les étudiantes et étudiants à prendre graduellement davantage de responsabilités envers leur apprentissage, et ce, dans la structure « sécuritaire » d’un évènement en salle de classe selon un horaire régulier où ils doivent déclarer tout travail de cours obligatoire qu’ils ont effectué individuellement ou en petits groupes. Cela implique de réfléchir non seulement au niveau du cours, mais aussi au niveau du programme (spécialement pour les programmes du premier cycle). Une bonne stratégie serait de mettre beaucoup plus l’accent sur l’enseignement en présentiel pendant la première année, puis d’introduire graduellement l’apprentissage en ligne au moyen de classes mixtes ou hybrides durant la deuxième et la troisième années et, enfin, d’utiliser quelques cours entièrement en ligne dans la quatrième année pour préparer mieux les étudiantes et étudiants à l’apprentissage permanent.

ETEC 522 est un programme des cycles supérieurs qui a une structure non rigoureuse. Les étudiantes et étudiants y organisent leurs propres travaux d’après les thèmes du cours. La structure des sujets hebdomadaires est insérée à droite. La conception du cours change chaque année car le cours traite d’un domaine d’étude en évolution rapide (le potentiel des nouvelles technologies pour l’éducation), un exemple de conception agile.

Figure 11.9.5 The University of British Columbia's ETEC 522
Figure 13.9.2 Le programme ETEC 522 de l’University of British Columbia

La page web illustrée à la figure 13.9.2, qui provient de la version 2011 du cours, montre clairement une structure relativement souple. La structure des sujets hebdomadaires se trouve à droite et couvre sept semaines de cours, les six semaines restantes étant consacrées au travail des étudiants sur leurs projets. Les résultats des activités des étudiants se trouvent dans le corps principal et sont publiés par les étudiants sur leurs blogs. Il est à noter que ce n’est pas un système de gestion de l’apprentissage qui est utilisé, mais WordPress, un système de gestion de contenu, qui permet aux étudiants de publier et d’organiser plus facilement leurs activités.

L’apprentissage mixte permet aux étudiants d’assumer progressivement plus de responsabilités dans leur apprentissage, mais dans le cadre d’un programme de formation continue. L’apprentissage mixte offre la possibilité de permettre aux étudiants de prendre progressivement plus de responsabilités dans leur apprentissage, mais dans le cadre d’une structure « sûre » d’un événement régulier en classe, où ils doivent rendre compte de tout travail qu’ils ont dû faire par eux-mêmes ou en petits groupes. Cela signifie qu’il faut penser non seulement au niveau du cours, mais aussi au niveau du programme, en particulier pour les programmes de premier cycle. Une bonne stratégie consisterait à mettre l’accent sur l’enseignement en face à face en première année, et à introduire progressivement l’apprentissage en ligne par le biais de cours mixtes ou hybrides en deuxième et troisième année, avec quelques cours entièrement en ligne en quatrième année, préparant ainsi mieux les étudiants à l’apprentissage tout au long de la vie.

13.9.6 Transposer un cours en présentiel en un cours en ligne

C’est la manière la plus facile pour déterminer la structure d’un cours en ligne. La structure du cours aura déjà été choisie dans une large mesure, car le contenu à étudier chaque semaine est défini clairement par les sujets des cours magistraux. Le principal défi ne sera pas de structurer le contenu, mais plutôt de s’assurer que les étudiantes et étudiants ont des activités en ligne adéquates (voir plus loin). La majorité des systèmes de gestion de l’apprentissage permettent que le cours soit structuré en unités d’une semaine selon les sujets en salle de classe, ce qui procure un calendrier clair pour les étudiantes et étudiants. Cela s’applique aussi aux approches de rechange comme l’apprentissage par problème, au sein duquel les activités étudiantes peuvent être ventilées presque quotidiennement.

Cependant, il est crucial de garantir que le contenu en face-à-face est transféré d’une façon qui convient à l’apprentissage en ligne. Par exemple, les diapos PowerPoint pourraient ne pas représenter entièrement ce qui est couvert dans la partie orale d’un cours magistral. Cela exige souvent de réorganiser ou de reconcevoir le contenu afin qu’il soit complet dans la version en ligne (votre concepteur pédagogique pourrait vous aider à cet égard). À ce stade, vous devriez considérer la quantité de travail que les étudiantes et étudiants en ligne devront effectuer pendant la période d’une durée fixe afin de vérifier qu’avec toutes leurs lectures et leurs activités, cela n’excèdera pas la charge de travail hebdomadaire approximative que vous avez établie. À ce point, vous devrez peut-être choisir d’enlever une partie du contenu ou des activités ou de rendre le travail « facultatif ». Toutefois, ce qui est facultatif ne devrait pas être évalué; mais si ce n’est pas évalué, les étudiantes et étudiants sauront rapidement qu’ils peuvent l’éviter. À propos, cette analyse du temps indique parfois que vous avez surchargé aussi la composante en face-à-face.

Il faut garder constamment dans votre esprit que les étudiantes et étudiants en ligne feront leurs études presque certainement d’une façon plus aléatoire, par rapport à ceux qui assistent en personne à leurs classes régulièrement. Étant privés de la discipline d’être dans un certain lieu à un moment donné, les étudiantes et étudiants en ligne nécessitent encore des explications sur ce qu’ils sont censés faire chaque semaine ou peut-être, à plus long terme, quand ils gravissent les paliers subséquents de leurs études. Il est essentiel que les étudiantes et étudiants ne tergiversent pas en ligne et qu’ils aient l’espoir de combler leur retard d’ici la fin du cours, car cela est souvent la cause principale des échecs dans les cours en ligne (ainsi que dans les classes en face-à-face d’ailleurs).

Nous verrons qu’il est critique pour la réussite dans l’apprentissage en ligne d’expliquer clairement les activités aux étudiantes et étudiants. En discutant des activités étudiantes ci-dessous, nous constaterons qu’il faut souvent faire un compromis entre le contenu et les activités pour ramener la charge de travail des étudiantes et étudiants à des proportions gérables.

13.9.7 Structurer un cours d’apprentissage mixte

Nombre de cours d’apprentissage mixte sont conçus presque par accident, plutôt que délibérément. Des composantes en ligne, comme un système de gestion de l’apprentissage pour contenir les matériels d’apprentissage en ligne, des notes de cours magistraux ou des lectures en ligne, sont ajoutées graduellement à l’enseignement régulier en salle de classe. Cela implique des risques évidents si la composante en face- à-face n’est pas ajustée en même temps. Après plusieurs années, de plus en plus de matériels, d’activités et d’œuvres à l’intention des étudiantes et étudiants sont ajoutés en ligne; ils sont souvent facultatifs, mais parfois essentiels pour les travaux de cours. Cela peut générer une augmentation énorme des charges de travail pour les étudiantes et étudiants, ainsi que pour le personnel enseignant et de formation qui a un nombre croissant de matériels à gérer.

Repenser un cours en vue de sa prestation en apprentissage mixte requiert de réfléchir minutieusement sur la structure et la charge de travail des étudiantes et étudiants. Means et autres (2009) conjecturent que la raison pour laquelle l’apprentissage mixte produit de meilleurs résultats, c’est parce que les apprenantes et apprenants passent davantage de temps à la tâche; autrement dit, ils travaillent plus fort. C’est bien, mais pas si tous leurs cours requièrent du travail additionnel. Par conséquent lors de la transition vers un modèle mixte, il est essentiel de s’assurer que le travail en ligne soit compensé par une diminution du temps en classe (incluant la durée des déplacements).

13.9.8 Concevoir un nouveau cours ou programme en ligne

Si vous offrez un cours ou un programme n’ayant pas été encore offert sur le campus (p. ex., un programme de maitrise professionnelle ou appliquée), vous avez donc beaucoup plus de latitude pour créer une structure unique qui convient le mieux à l’environnement en ligne et aussi au type d’étudiantes et étudiants attirés par ce genre de cours (p. ex., des adultes ayant un emploi).

Le point important ici est que la façon dont ce temps est divisé ne doit pas être la même que celle utilisée pour une classe en face-à-face. En effet, aucune raison organisationnelle ne nécessite que l’étudiante ou étudiant en ligne soit dans un lieu particulier à un certain moment pour recevoir l’enseignement. Habituellement, un cours en ligne sera « prêt » et disponible pour les étudiantes et étudiants avant que le cours ne commence officiellement. Les apprenantes et apprenants pourraient en théorie suivre le cours plus rapidement ou plus lentement, s’ils le désirent. En conséquence, le personnel enseignant a plus d’options ou de choix quant à la manière de structurer le cours et, en particulier, à la façon de contrôler le déroulement du travail des étudiantes et étudiants.

Cela est particulièrement important si, par exemple, le cours est suivi principalement par des apprenantes et apprenantes permanents ou des étudiantes et étudiants à temps partiel. Au fait, il pourrait être possible de structurer un cours d’une telle façon que des étudiantes et étudiants différents pourraient travailler à des rythmes différents. L’apprentissage axé sur les compétences signifie que ces derniers peuvent étudier dans le même cours ou programme à des rythmes très variés. Certaines universités ouvertes proposent même l’inscription continue, pour qu’ils puissent commencer et finir leur cours à différentes dates. La majorité des étudiantes et étudiants, qui suivent un cours en ligne, ont probablement déjà un emploi. Alors, il peut être nécessaire de leur allouer plus de temps pour achever un cours que pour les étudiantes et étudiants à temps plein. Par exemple si les programmes de maitrise sur le campus exigent qu’ils soient terminés d’ici un ou deux ans, alors que les étudiantes et étudiants dans un programme de maitrise professionnelle peuvent nécessiter jusqu’à cinq ans pour l’achever.

13.9.9 Les principes clés dans la structuration d’un cours

Il y a maintenant de bonnes raisons pour ne pas faire certaines de ces choses, mais ce sera à cause d’exigences pédagogiques plutôt qu’organisationnelles ou institutionnelles. Par exemple, je ne suis pas enthousiaste quant à l’inscription continue ou à l’enseignement selon un rythme personnel, car, spécialement au niveau des cycles supérieurs, j’utilise beaucoup les forums de discussion en ligne et le travail collectif en ligne. J’aime bien que les étudiantes et étudiants passent à travers un cours à peu près au même rythme, parce que cela mène à des discussions plus ciblées et qu’il est difficile ou même impossible d’organiser le travail en groupe quand les étudiantes et étudiants sont rendus à différents points du cours. Dans d’autres cours toutefois (p. ex., un cours de mathématiques), l’enseignement selon un rythme personnel peut être très sensé. Je discuterai d’autres structures de cours non traditionnelles lorsque nous aborderons les activités étudiantes ci-dessous.

Quelle que soit la façon dont vous structurez le cours toutefois, deux principes de base sont impératifs :

  • il faut avoir une idée hypothétique de la quantité de temps que les étudiantes et étudiants consacrent au cours chaque semaine;
  • il est obligatoire que les étudiantes et étudiants sachent bien chaque semaine ce qu’ils doivent faire et quand cela doit être exécuté.

13.9.10 Concevoir les activités étudiantes

Cela est la partie la plus critique du processus de conception surtout, mais pas seulement pour les étudiantes et étudiants entièrement en ligne qui n’ont pas une structure en salle de classe ordinaire, ni un environnement sur le campus pour communiquer avec le personnel enseignant et leurs camarades de cours, ni non plus d’occasions de questions et de discussions spontanées dans une classe en face-à-face. Les activités étudiantes régulières sont cruciales pour tous les étudiants et étudiantes engagés à la tâche, et ce, indépendamment du mode de prestation.

Ces activités peuvent inclure :

  • des lectures obligatoires, avec quelques activités permettant aux étudiants de démontrer leurs apprentissages;
  • des tests simples d’autoévaluation à choix multiples en matière de compréhension avec des rétroactions automatisées, utilisant la fonctionnalité de testage informatisé dans un système de gestion de l’apprentissage;
  • des questions à l’égard de petits paragraphes réponses, qui peuvent être partagés avec les autres étudiantes et étudiants à des fins de comparaison ou de discussion;
  • des travaux de cours sous forme de courts essais, qui sont marqués et évalués mensuellement de façon formelle;
  • un travail sur un projet individuel ou collectif, réparti sur quelques semaines;
  • un blogue ou un portfolio électronique individuel de l’étudiante ou étudiant, qui lui permet de réfléchir sur son apprentissage récent et qui peut être partagé avec le personnel enseignant ou avec les autres étudiantes et étudiants;
  • des forums de discussion en ligne, dont le personnel enseignant aura besoin à des fins d’organisation et de suivi.

De nombreuses autres activités peuvent être mises au point par le personnel enseignant afin de stimuler l’engagement des étudiantes et étudiants. Cependant, toutes ces activités doivent être liées clairement aux résultats d’apprentissage fixés pour le cours. Et elles doivent être considérées par les étudiantes et étudiants comme un moyen de les aider à se préparer pour toute évaluation formelle. Si les résultats d’apprentissage sont ciblés sur le développement des habiletés, alors les activités devraient être conçues afin de donner aux étudiantes et étudiants des occasions de développer ou de mettre en pratique ces habiletés.

De telles activités doivent aussi être réparties régulièrement, et il faut faire une estimation en ce qui a trait au temps dont les étudiantes et étudiants auront besoin pour les effectuer. Dans la 8e étape, nous verrons que l’engagement étudiant dans de telles activités devra faire l’objet d’un suivi par le personnel enseignant.

C’est à ce point qu’il faut prendre certaines décisions ardues au sujet de l’équilibre entre le « contenu » et les « activités ». Les étudiantes et étudiants doivent avoir suffisamment de temps pour effectuer les activités régulières (autres que les lectures) une fois chaque semaine au moins. Sinon, leur risque de décrochage ou d’échec du cours augmentera énormément. Ils auront besoin en particulier d’un moyen quelconque pour obtenir des rétroactions ou des commentaires sur leurs activités soit par le personnel enseignant ou par les autres étudiantes et étudiants. Donc, la conception du cours doit tenir compte de la charge de travail du personnel enseignant ou de formation, ainsi que de celle des étudiantes et étudiants.

Selon moi, la plupart des cours collégiaux et universitaires sont gavés de contenu, et ne prennent pas assez en considération ce que les étudiantes et étudiants ont besoin de faire pour évaluer, assimiler et appliquer un tel contenu. En règle générale, j’estime que ces derniers devraient allouer au maximum la moitié de leur temps pour lire et pour assister aux cours magistraux. Le reste du temps devrait être réservé à l’interprétation, à l’analyse ou à l’application du contenu grâce à des genres d’activités qui sont mentionnées ci-dessus. À mesure que les étudiantes et étudiants deviennent plus matures et plus autogérés, la proportion de temps dédiée aux activités peut être augmentée, alors qu’ils sont eux-mêmes responsables de l’identification du contenu approprié qui les habilitera à satisfaire aux objectifs et aux critères établis par le personnel enseignant ou de formation. Cependant, cela est une opinion personnelle de ma part. Quelle que soit votre philosophie de l’enseignement toutefois, il est nécessaire de fournir aux étudiantes et étudiants en ligne beaucoup d’activités, qui sont accompagnées d’une quelconque forme de rétroactions. Sinon, ils tomberont comme des mouches.

13.9.11 Plusieurs structures, une seule norme élevée

Il y a beaucoup d’autres moyens, qui permettent de mettre en place une structure appropriée pour un cours en ligne. Par exemple, l’Open Learning Initiative (initiative d’apprentissage ouvert) de la Carnegie Mellon University propose un cours complet « dans une trousse » pour les cours standard de première et deuxième années dans les collèges de deux ans. Cela inclut un site de système de gestion de l’apprentissage, qui offre le contenu, les objectifs et les activités pré-téléchargés ainsi qu’un manuel d’accompagnement. Le contenu est structuré minutieusement et comprend des activités étudiantes intégrées. Le rôle du personnel enseignant est principalement de fournir des rétroactions aux étudiantes et étudiants et de les corriger au besoin . Ces cours se sont démontrés très efficaces, puisque la majorité des étudiantes et étudiants ont achevé avec succès de tels programmes.

L’anecdote sur la professeure présentée dans le Scénario D présente une structure normale de trois cours magistraux par semaine pendant les trois premières semaines. Puis, les étudiantes et étudiants, répartis en petits groupes, travaillent entièrement en ligne à un projet majeur durant cinq semaines. Ensuite, ils reviennent en classe pour une session hebdomadaire de trois heures pendant cinq semaines afin de faire un compte rendu de leurs projets et d’en discuter dans le groupe-classe complet.

Nous avons vu que, dans l’apprentissage axé sur les compétences, les étudiantes et étudiants peuvent travailler à leur rythme à travers des cours très structurés en ce qui a trait aux séquences de sujets et aux activités étudiantes, qui offrent néanmoins une flexibilité quant au temps dont les étudiantes et étudiants peuvent disposer pour développer avec succès une compétence.

La McMaster University offre un Integrated Science Program (programme intégré en sciences), qui est construit autour des projets de recherche du premier cycle d’une durée de six à dix semaines.

Les cMOOC, comme le #Change 11 (Milligan, 2012), ont une structure non rigoureuse et présentent chaque semaine différents sujets et contributeurs. Cependant, les activités étudiantes (dont les publications de blogues ou les commentaires) ne sont pas organisées par le concepteur de cours, mais cela est plutôt confié aux étudiantes et étudiants. Toutefois ce ne sont pas des cours crédités, et peu d’étudiantes et étudiants passent complètement à travers le MOOC en entier, car ce n’est pas leur but. Par contre, les xMOOC offerts par la Stanford Université et le MIT sont très structurés, et leurs activités étudiantes et les rétroactions sont entièrement automatisées. Moins de 10 % des étudiantes et étudiants qui entreprennent ces MOOC les achèvent avec succès, mais ce sont des cours non crédités. De plus en plus, les MOOC deviennent plus courts, et la durée de certains MOOC s’étend sur trois ou quatre semaines seulement.

L’apprentissage en ligne permet aux membres du personnel enseignant et de formation de se détacher du semestre rigide de 13 semaines et de la structure de trois cours magistraux hebdomadaires, afin de créer des cours selon leur méthode d’enseignement préférée et selon la structure qui convient le mieux aux besoins des apprenantes et apprenants. Mon but dans un cours ou programme crédité est de garantir une qualité universitaire supérieure ainsi que des taux de réussite élevés. Pour moi, cela signifie d’élaborer une structure appropriée liée à des activités d’apprentissage, soit une étape clé en vue d’instiller la qualité dans les cours en ligne crédités.

Références

Means, B. et al. (2009) Evaluation of Evidence-Based Practices in Online Learning: A Meta-Analysis and Review of Online Learning Studies Washington, DC: US Department of Education

Milligan, C. (2012) Change 11 SRL-MOOC study: initial findings Learning in the Workplace, 19 Décembre

Activité 13.9 Structurer votre cours ou votre programme

  1. Combien d’heures d’études par semaine l’étudiante ou l’étudiant devrait-il consacrer à un cours de trois crédits? Si votre réponse est différente de la mienne (de 8 à 9 heures), quelle en est la raison?
  2. Si vous concevez un programme crédité en ligne à partir de zéro, auriez-vous besoin d’utiliser la structure « traditionnelle » de trois crédits durant 13 semaines? Sinon, comment structureriez-vous un tel programme et pourquoi?
  3. Croyez-vous que la plupart des cours crédités sont « gavés » de contenu et n’ont pas suffisamment d’activités d’apprentissage? Est-ce que nous mettons trop l’accent sur le contenu et pas assez sur le développement des habiletés dans l’éducation supérieure? Comment cela influe-t-il sur la structure des cours? Et combien cela a-t-il un impact sur la qualité de l’apprentissage

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L’enseignement à l’ère numérique Droit d'auteur © 2023 par Anthony William (Tony) Bates est sous licence License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale 4.0 International, sauf indication contraire.

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