Chapitre 3 : Les méthodes d’enseignement axées sur le présentiel

3.8 Principales conclusions

 

Figure 3.8 Atelier sur l’apprentissage mixte, où les instructeurs appliquent les principes d’une conférence sur l’apprentissage mixte à la conception d’une unité d’enseignement (un mélange de méthodes d’apprentissage transmissif et expérientiel reflétant une épistémologie constructiviste). Image : Tony Bates, 2017

3.8.1 Relier l’épistémologie, les théories de l’apprentissage et les méthodes d’enseignement

3.8.1.1 En enseignement, le pragmatisme l’emporte sur l’idéologie

Quoiqu’il y ait souvent une relation directe entre une méthode d’enseignement, une théorie de l’apprentissage et une position épistémologique, cela ne signifie pas que c’est toujours le cas. Or, il est tentant d’essayer de créer un tableau afin de cadrer élégamment chaque méthode d’enseignement dans une théorie de l’apprentissage particulière et chaque théorie, dans une épistémologie particulière. Malheureusement, l’éducation n’est pas aussi précise que l’informatique, et il serait donc trompeur de tenter d’établir une classification ontologique directe. Par exemple, un cours magistral transmissif peut être structuré afin de favoriser une approche cognitiviste plutôt que behavioriste envers l’apprentissage, ou encore, une séance de cours magistral peut combiner plusieurs éléments comme la transmission d’informations, l’apprentissage par la pratique et la discussion.

Les puristes pourraient argumenter qu’il n’est pas cohérent logiquement que le personnel enseignant utilise des méthodes qui repoussent les horizons épistémologiques (semant ainsi la confusion chez les étudiantes et étudiants); mais l’enseignement est essentiellement une profession pragmatique, et les membres du personnel enseignant sont prêts à faire tout ce qu’il faut pour accomplir leur tâche. S’il est nécessaire que les étudiantes et étudiants apprennent des faits, des principes, des procédures normalisées ou des manières de faire les choses avant qu’ils ne puissent participer à une discussion informée sur leur signification ou commencer à faire de la résolution de problèmes, le personnel enseignant pourrait alors envisager des méthodes behavioristes afin de poser des fondements avant de passer à des approches plus constructivistes plus tard dans un cours ou un programme.

3.8.1.2 Les méthodes d’enseignement ne sont pas déterminées par la technologie

De façon similaire, nous avons vu que les applications technologiques, dont les cours magistraux enregistrés sur vidéo et les MOOC, peuvent reproduire exactement une méthode d’enseignement ou une approche de l’apprentissage particulière qui est utilisée en salle de classe. De plusieurs façons, ces méthodes d’enseignement, ces théories de l’apprentissage et ces épistémologies ne dépendent pas d’une technologie ou d’un mode de prestation particulier. Et ce, bien que nous verrons dans les Chapitres 7 à 10 que les technologies peuvent être utilisées pour transformer l’enseignement et qu’une technologie donnée favorisera plus souvent dans certains cas une méthode d’enseignement qu’une autre, selon les caractéristiques ou les « affordances » de cette technologie.

Par conséquent, le personnel enseignant qui connaît non seulement une vaste gamme de méthodes d’enseignement, mais aussi les théories de l’apprentissage et leurs fondements épistémologiques sera mieux positionné pour prendre les décisions appropriées sur la manière d’enseigner dans un contexte particulier. En outre, comme nous le verrons ensuite, une telle compréhension facilitera aussi le bon choix de technologie pour une tâche ou un contexte d’apprentissage donné.

3.8.2 Relier les méthodes d’enseignement au savoir et aux habiletés requises à l’ère numérique

Le but principal de cet exercice est de vous habiliter, en tant que personnel enseignant, à cerner les méthodes d’enseignement plus aptes à soutenir l’acquisition des connaissances et le développement des habiletés, dont les étudiantes et étudiants ont besoin à l’ère numérique. Nous devons poursuivre ce cheminement afin d’avoir toute l’information et tous les outils, qui sont nécessaires pour prendre cette décision. Cependant, il est possible au moins, à partir d’ici, de tenter l’expérience tout en reconnaissant que de telles décisions se basent sur un grand nombre de facteurs variés, notamment : le type d’apprenantes et apprenants et de leurs acquis antérieurs de connaissances et d’expérience, les exigences de champs d’études particuliers, le contexte institutionnel où évoluent le personnel enseignant et les apprenantes et apprenants, ainsi que le futur contexte d’emploi probable des apprenantes et apprenants.

Tout d’abord, nous pouvons identifier quelques genres différents d’habiletés qui sont requises :

  • les habiletés conceptuelles, comme la gestion des connaissances, la pensée critique, l’analyse, la synthèse, la résolution de problèmes, la créativité ou l’innovation, la conception expérimentale;
  • les habiletés développementales ou personnelles, comme l’apprentissage autonome, les aptitudes à la communication, l’éthique, le réseautage, la responsabilité et le travail d’équipe;
  • les habiletés numériques, enchâssées dans une matière ou un domaine professionnel particulier et qui y sont reliées;
  • les habiletés manuelles et pratiques, comme l’opération de machinerie ou d’équipement, les procédures de sécurité, l’observation et la reconnaissance des données, des schémas et des facteurs spatiaux.

Nous pouvons également identifier qu’en termes de contenu, nous avons besoin de méthodes d’enseignement qui permettent aux étudiants de gérer l’information ou la connaissance, plutôt que de méthodes qui se contentent de transmettre l’information aux étudiants.

Le personnel enseignant ou de formation doit aussi prendre en note les points clés suivants :

  • l’enseignante ou enseignant doit être en mesure d’identifier ou de reconnaître les habiletés, qu’il espère développer chez les étudiantes et étudiants;
  • il n’est pas toujours facile de séparer ces habiletés, mais elles tendent à se baser sur un contexte et à souvent y être intégrées;
  • il faut que l’enseignante ou enseignant identifie les méthodes et les contextes appropriés, qui habiliteront les étudiantes et étudiants développer ces habiletés;
  • pour développer de telles habiletés, il est nécessaire que les étudiantes et étudiants les mettent en pratique;
  • les étudiantes et étudiants ont besoin des rétroactions et des interventions du personnel enseignant et de leurs camarades afin de garantir un niveau élevé de compétence ou de maîtrise de telles habiletés;
  • il est obligatoire d’élaborer une stratégie d’évaluation, qui reconnait et récompense la compétence ou la maîtrise des étudiantes et étudiants à l’égard de telles habiletés.

À l’ère du numérique, le simple choix d’une méthode d’enseignement particulière, telle que les séminaires ou l’apprentissage, ne suffira pas. Il est peu probable qu’une seule méthode, telle que les cours magistraux transmissifs ou les séminaires, fournisse un environnement d’apprentissage suffisamment riche pour permettre le développement d’une gamme complète de compétences dans le domaine concerné. Il est nécessaire de fournir un environnement d’apprentissage riche pour que les étudiants développent de telles compétences, qui inclut une pertinence contextuelle et des opportunités de pratique, de discussion et de retour d’information. Par conséquent, nous sommes susceptibles de combiner différentes méthodes d’enseignement.

Deuxièmement, ce chapitre s’est principalement concentré sur les approches d’enseignement en classe ou sur le campus. Dans le chapitre suivant, nous examinerons une série de méthodes d’enseignement qui intègrent les technologies en ligne/numériques. Il serait donc insensé, à ce stade, de dire qu’une seule méthode, telle que les séminaires, l’apprentissage ou l’éducation, est la meilleure pour développer les connaissances et les compétences nécessaires à l’ère numérique. En même temps, les limites des cours magistraux transmissifs, surtout s’ils sont utilisés comme principale méthode d’enseignement, deviennent de plus en plus évidentes.

Activité 3.8  « Étiqueter » votre propre enseignement

  1. Pensez à ce que vous considérez avoir été, dans le passé, votre unité d’enseignement la plus réussie (une classe ou un cours entier). Pouvez-vous identifier l’épistémologie sous-jacente ? Quelle(s) théorie(s) de l’apprentissage décrirait(ent) le mieux la manière dont les étudiants ont appris dans ce contexte ? Quelle(s) principale(s) méthode(s) d’enseignement avez-vous utilisée(s) ?
  2. Examinez l’un des cours que vous allez probablement donner l’année prochaine. Maintenant que vous avez lu les chapitres 1, 2 et 3, comment changeriez-vous vos méthodes d’enseignement pour ce cours ?

Il n’y a pas de retour direct de ma part sur cette activité car il s’agit d’un exercice de réflexion.

Points clés à retenir

Cette liste de méthodes d’enseignement ne prétend pas être exhaustive ni complète. Le but est de montrer qu’il existe de nombreuses manières différentes d’enseigner et que, d’une façon quelconque, celles-ci sont toutes légitimes dans certaines situations. La majorité des membres du personnel de formation choisiront un mélange de différentes méthodes, selon les exigences de la matière enseignée et des besoins des étudiantes et étudiants à un moment précis (ce sujet est abordé dans le Chapitre 5.). Toutefois, il reste encore à tirer quelques conclusions de base à partir de cet examen comparatif des différentes approches envers l’enseignement.

  1. Il est probable qu’aucune méthode unique ne puisse satisfaire à toutes les exigences, dont le personnel enseignant doit tenir compte à l’ère numérique.
  2. Néanmoins, certaines formes d’enseignement conviennent mieux pour le développement des habiletés requises à l’ère numérique. En particulier, les méthodes qui sont axées sur le développement conceptuel (comme le dialogue et la discussion) et la gestion des connaissances, plutôt que sur la transmission de l’information et les acquis expérientiels dans des contextes du monde réel, ont plus tendance à permettre le développement des habiletés conceptuelles de haut niveau qui sont requises à l’ère numérique.
  3. Cependant, ce ne sont pas seulement les habiletés conceptuelles qui sont nécessaires. Il faut en fait une combinaison d’habiletés conceptuelles, pratiques, personnelles et sociales dans des situations très complexes. Une fois de plus, cela implique de combiner une variété de méthodes d’enseignement.
  4. Presque toutes ces méthodes d’enseignement sont indépendantes des médias ou de la technologie. Autrement dit, elles peuvent être utilisées en salle de classe ou en ligne. Dans une perspective d’apprentissage, ce sont l’efficacité et l’expertise pour choisir et utiliser la méthode d’enseignement de façon appropriée qui comptent plus que le choix de la technologie.
  5. Néanmoins, nous verrons plus loin dans ce livre que les nouvelles technologies offrent des possibilités nouvelles pour l’enseignement, entre autres celles de proposer plus de pratique ou de temps à consacrer aux tâches, d’atteindre de nouveaux groupes cibles et d’augmenter la productivité du personnel enseignant et du système dans son ensemble.

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L’enseignement à l’ère numérique Droit d'auteur © 2023 par Anthony William (Tony) Bates est sous licence License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale 4.0 International, sauf indication contraire.

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