10.11 Évaluer les possibilités offertes par les médias : le modèle SAMR

10.11.1 Exploiter les possibilités d’un média

Il a été noté dans plusieurs des chapitres précédents (par exemple, Chapitre 7, section 4 et Chapitre 8, section 4) que la technologie vidéo peut être utilisée pour remplacer directement un cours magistral en face à face en remplaçant simplement le cours en face à face par un cours en ligne. Le mode de transmission a changé, mais pas la pédagogie. Toutes les possibilités offertes par la vidéo n’ont pas été exploitées.

D’un autre côté, l’utilisation de la vidéo pour montrer un documentaire peut apporter des exemples puissants de situations auxquelles peuvent être appliqués les idées et les concepts abordés dans un cours académique. Un documentaire a donc le potentiel de mieux utiliser les possibilités de la vidéo que l’enregistrement d’un cours magistral parce que l’expérience d’apprentissage en regardant un documentaire est différente de celle en regardant un cours magistral ; en même temps, l’utilisation d’un documentaire vidéo nécessitera une approche différente de l’enseignement par rapport à l’utilisation d’un cours magistral et aura probablement des résultats différents. Avec le cours vidéo, les étudiants se concentreront sur la compréhension, alors qu’avec le documentaire, ils se concentreront sur l’analyse et la critique du matériel.

10.11.2 Le modèle SAMR

Un bon moyen d’évaluer si une application particulière des médias ou de la technologie exploite pleinement les possibilités d’un support est d’appliquer le modèle SAMR développé par le Dr Ruben Puentedura, un consultant en technologie basé aux États-Unis.

Puentedura propose quatre « niveaux » d’application de la technologie dans l’éducation :

• substitution : un substitut d’outil direct, sans changement fonctionnel, par exemple, un enregistrement vidéo d’un cours magistral sur la qualité de l’eau, mis à la disposition des étudiants pour téléchargement ; les étudiants sont évalués sur le contenu du cours par des examens écrits à la fin du cours;
• augmentation : remplacement direct d’un outil, avec amélioration fonctionnelle ; par exemple, l’exposé vidéo est intégré dans un système de gestion de l’apprentissage (SGA) et divisé en quatre sections, avec des questions à choix multiples en ligne à la fin de chaque section, auxquelles les étudiants doivent répondre;
• modification : refonte importante de la tâche ; par exemple, l’instructeur fournit des enregistrements vidéo de l’eau testée et demande aux étudiants d’analyser chacun des enregistrements en fonction des principes enseignés dans le cours, sous la forme de questions à développement qui sont évaluées;
• redéfinition : création de nouvelles tâches, inconcevables sans l’utilisation de la technologie, par exemple, l’instructeur fournit des lectures et des conseils en ligne via le SGA, et les étudiants sont invités à enregistrer avec leur téléphone portable la manière dont ils ont sélectionné des échantillons d’eau pour en tester la qualité, et à intégrer leurs résultats et leur analyse sous la forme d’un portefeuille électronique de leur travail.

Aux deux premiers niveaux, substitution et augmentation, la vidéo est utilisée pour améliorer la méthode d’enseignement, mais ce n’est que lorsque la vidéo est utilisée aux deux derniers niveaux, modification et redéfinition, que l’enseignement est réellement transformé. Il est important de noter que Puentedura établit un lien entre les niveaux de modification et de transformation et le développement des compétences d’ordre supérieur de Bloom pour le 21e siècle, telles que l’analyse, l’évaluation et la créativité (Puentedura, 2014). Pour une description plus détaillée du modèle et de son fonctionnement, voir la vidéo : Introduction au modèle SAMR.

10.11.3 Points forts et limites du modèle

Tout d’abord, je n’ai pu trouver aucune recherche validant ce modèle. Il repose sur une forte impression de bon sens, mais il serait bon qu’il soit validé de manière plus empirique, bien qu’il existe de nombreux exemples de son utilisation réelle, en particulier dans la formation des enseignants dans le secteur de la maternelle à la 12e année (vous pouvez trouver quelques exemples recueillis par Kelly Walsh ici). Pour une réponse plus critique au modèle SAMR, voir Linderoth, 2013).

Deuxièmement, si le modèle est un moyen utile d’évaluer si une utilisation de la technologie améliore simplement ou change radicalement l’enseignement, il n’est pas d’une grande aide pour la partie la plus difficile, à savoir imaginer les façons transformatrices dont une technologie pourrait être utilisée en premier lieu. Néanmoins, il s’agit d’un bon outil heuristique pour vous faire réfléchir à la meilleure façon d’utiliser la technologie dans l’enseignement et, peut-être plus important encore, à la façon d’évaluer le potentiel de votre choix de technologie.

Troisièmement, il y aura des situations où la substitution et l’augmentation seront toujours une utilisation parfaitement justifiable de la technologie, par exemple pour les étudiants handicapés ou pour accroître l’accessibilité du matériel d’apprentissage.

Dans l’ensemble, il s’agit d’un modèle très utile qui permet à un enseignant d’évaluer une utilisation potentielle ou réelle de la technologie. Il se concentre en particulier sur la manière dont les étudiants devront interagir avec la technologie et sur la manière dont la technologie peut être utilisée pour contribuer au développement des compétences du 21e siècle.

Références

Linderoth, J. (2013) Open letter to Dr. Ruben Puentedura Spelvetenskapliga betraktelser, 17 October

Puentedura, R. (2014) SAMR and Bloom’s Taxonomy: Assembling the Puzzle common sense education, September 24