Chapitre 7 : Comprendre les technologies en éducation

7.3 Médias ou technologies?

 

Figure 7.3.1 Un livre : média ou technologie?

7.3.1. Définition des médias et des technologies

Les philosophes et les scientifiques débattent depuis très longtemps de la nature des médias et des technologies. La distinction est difficile à faire car, dans le langage courant, nous avons tendance à utiliser ces deux termes de manière interchangeable. Par exemple, la télévision est souvent considérée à la fois comme un média et comme une technologie. Internet est-il un média ou une technologie? Et est-il important de faire la distinction?

Je soutiendrai qu’il existe des différences et qu’il est important de faire la distinction entre les médias et les technologies, en particulier si nous sommes à la recherche de lignes directrices sur le moment et la manière de les utiliser. Il y a un danger, en particulier dans le domaine de l’éducation, à trop s’intéresser à la technologie brute et pas assez aux contextes personnels, culturels et sociaux dans lesquels nous utilisons la technologie. Les termes « médias » et « technologie » représentent des façons différentes de penser le choix et l’utilisation de la technologie dans l’enseignement et l’apprentissage.

7.3.2 Technologie

Il existe de nombreuses définitions de la technologie (voir Wikipédia pour une bonne discussion à ce sujet). Essentiellement, les définitions de la technologie vont de la notion de base d’outils aux systèmes qui emploient ou exploitent les technologies. Ainsi :

  • « la technologie fait référence aux outils et aux machines qui peuvent être utilisés pour résoudre des problèmes du monde réel» est une définition simple;
  • « l’état actuel des connaissances de l’humanité sur la manière de combiner les ressources pour produire les produits souhaités, résoudre les problèmes, répondre aux besoins ou satisfaire les désirs » est une définition plus complexe et plus grandiose (et elle est empreinte d’une suffisance que je trouve non justifiée : la technologie fait souvent le contraire de satisfaire les désirs, par exemple).

En ce qui concerne la technologie éducative, nous devons prendre en compte une définition large de la technologie. La technologie d’Internet est plus qu’une simple collection d’outils, c’est un système qui combine des ordinateurs, des télécommunications, des logiciels et des règles et procédures ou protocoles. Toutefois, la définition très large de « l’état actuel des connaissances de l’humanité » m’embête. Lorsqu’une définition commence à englober de nombreux aspects différents de la vie, elle devient difficile à manier et ambiguë.

J’ai tendance à considérer la technologie en éducation comme des objets ou des outils utilisés pour appuyer l’enseignement et l’apprentissage. Ainsi, les tableaux blancs, les crayons, les craies, les ordinateurs, les logiciels tels qu’un système de gestion de l’apprentissage ou un réseau de transmission ou de communication sont tous des technologies. L’impression est une technologie. La technologie comprend souvent une combinaison d’outils avec des liens techniques particuliers qui leur permettent de fonctionner comme un système technologique, tel que le réseau téléphonique ou Internet. On pourrait considérer une salle de classe physique comme un système technologique, avec un tableau, des pupitres et d’autres équipements.

Cependant, pour moi, les technologies ou même les systèmes technologiques ne communiquent pas ou ne créent pas de sens en eux-mêmes. Ils restent là jusqu’à ce qu’on leur ordonne de faire quelque chose, jusqu’à ce qu’ils soient activés, jusqu’à ce qu’une personne commence à interagir avec la technologie, ou jusqu’à ce qu’un enseignant et des élèves remplissent la salle. À ce point-ci, nous pouvons passer aux médias.

 

Figure 6.3.1.1 Don't just sit there - DO something! Image: © Alex Dawson, Flickr, 2006
Figure 7.3.2 Ne restez pas là, FAITES quelque chose!                                      Image: © Alex Dawson, Flickr, 2006

7.3.3 Média

Le mot « médias » (pluriel de média) a de nombreux sens.

Le mot « média » vient du latin et signifie au milieu (une médiane) et aussi ce qui sert d’intermédiaire ou d’interprète. Les médias nécessitent un acte actif de création de contenu et/ou de communication, et une personne qui reçoit et comprend la communication, ainsi que les technologies qui véhiculent le média.

Le terme « média » a deux significations distinctes pertinentes pour l’enseignement et l’apprentissage, toutes deux différentes des définitions de la technologie.

7.3.3.1 Les médias liés aux sens et à la signification

Nous utilisons nos sens, tels que l’ouïe et la vue, pour interpréter les médias. En ce sens, nous pouvons considérer le texte, les images, l’audio et la vidéo comme des « canaux » médiatiques, dans la mesure où ils véhiculent des idées et des images porteuses de sens. Ainsi, chaque interaction que nous avons avec les médias est une interprétation de la réalité et implique généralement une forme d’intervention humaine, comme l’écriture (pour le texte), le dessin ou la conception pour les images, la parole, la rédaction du script ou l’enregistrement pour l’audio et la vidéo. Notons qu’il existe deux types d’intervention dans les médias : celle du « créateur », qui construit l’information, et celle du « récepteur », qui doit également l’interpréter.

Les médias dépendent bien sûr de la technologie, mais celle-ci n’est qu’un élément des médias. Nous pouvons donc considérer Internet comme un simple système technologique ou comme un support médiatique contenant des formats et des systèmes de symboles uniques qui contribuent à véhiculer le sens et la connaissance. Ces formats, systèmes de symboles et caractéristiques uniques d’un support médiatique particulier (par exemple, la limite de 280 caractères sur Twitter) sont délibérément créés et doivent être interprétés à la fois par les créateurs et les utilisateurs finaux. En outre, du moins avec Internet, les gens peuvent être à la fois créateurs et interprètes de connaissances.

L’informatique peut également être considérée comme un média dans ce contexte. J’utilise le terme « informatique », et non « ordinateurs », car bien que l’informatique utilise des ordinateurs, l’informatique implique une certaine forme d’intervention, de construction et d’interprétation. L’informatique en tant que média comprend le codage, les animations, les réseaux sociaux en ligne, l’utilisation d’un moteur de recherche ou la conception et l’utilisation de simulations. Google utilise donc un moteur de recherche comme technologie principale, mais je le classe comme un média, car il a besoin de contenu et de fournisseurs de contenu, et d’un utilisateur final qui définit les paramètres de la recherche, en plus de la technologie des algorithmes informatiques pour aider à la recherche. Ainsi, la création, la communication et l’interprétation du sens sont des caractéristiques supplémentaires qui font d’une technologie un média.

En matière de représentation des connaissances, il est utile de penser aux médias suivants à des fins éducatives, au sein desquels il existe des sous-systèmes (seuls quelques exemples sont donnés) :

  • Texte : manuels scolaires, romans, poèmes
  • Images : diagrammes, photos, dessins, affiches, graffitis
  • Audio : sons, discours, balados, émissions de radio
  • Vidéo et cinéma: émissions de télévision, films, clips YouTube, vidéos d’experts
  • Informatique : animation, simulations, mondes virtuels, intelligence artificielle
  • Médias sociaux : Twitter, Facebook, TikTok, LinkedIn.

En outre, au sein de ces sous-systèmes, il existe des moyens d’influencer la communication par l’utilisation de systèmes de symboles uniques, tels que les scénarios et l’utilisation des personnages dans les romans, la composition dans la photographie, la modulation de la voix pour créer des effets dans l’audio, le découpage et le montage dans le cinéma et la télévision, et la conception d’interfaces utilisateur ou de pages Web en informatique. L’étude de la relation entre ces différents systèmes de symboles et l’interprétation du sens est un domaine d’étude à part entière, appelé sémiotique.

En éducation, nous pourrions considérer l’enseignement en classe comme un média. Les technologies ou les outils sont utilisés (par exemple, la craie et le tableau noir, ou PowerPoint et un projecteur), mais l’élément clé est l’intervention de l’enseignant et l’interaction avec les apprenants en temps réel, à un moment et dans un lieu déterminés. Nous pouvons également considérer l’enseignement en ligne comme un média différent, avec des ordinateurs, Internet (au sens de réseau de communication) et un système de gestion de l’apprentissage comme technologies de base, mais c’est l’interaction entre les enseignants, les apprenants et les ressources en ligne dans le contexte unique d’Internet qui constitue l’élément essentiel de l’apprentissage en ligne.

D’un point de vue éducatif, il est important de comprendre que les médias ne sont pas neutres ou « objectifs » dans la manière dont ils transmettent les connaissances. Ils peuvent être conçus ou utilisés de manière à influencer (en bien ou en mal) l’interprétation du sens et donc notre compréhension. Une certaine connaissance du fonctionnement des médias est donc essentielle pour enseigner à l’ère numérique. En particulier, nous devons savoir comment concevoir et appliquer au mieux les médias (plutôt que la technologie) pour faciliter l’apprentissage.

Au fil du temps, les médias se sont complexifiés, les nouveaux médias (par exemple, la télévision) incorporant certaines des composantes des médias antérieurs (par exemple, l’audio) ainsi qu’un autre média (la vidéo). Les médias numériques et Internet incorporent et intègrent de plus en plus tous les médias précédents, tels que le texte, l’audio et la vidéo, et ajoutent de nouveaux composants médiatiques, tels que l’animation, la simulation et l’interactivité. Lorsque les médias numériques intègrent plusieurs de ces éléments, ils deviennent des « médias enrichis ». L’un des principaux avantages d’Internet est donc qu’il englobe tous les médias de représentation que sont le texte, les images, l’audio, la vidéo et l’informatique.

7.3.3.2 Les médias liés aux organisations

Le deuxième sens du terme « médias » est plus large et fait référence aux industries ou aux domaines importants de l’activité humaine qui sont organisés autour de technologies particulières, par exemple le cinéma, la télévision, l’édition et Internet. Au sein de ces différents médias, il existe des modes particuliers de représentation, d’organisation et de communication des connaissances.

Ainsi, à la télévision, il existe différents formats, tels que les bulletins de nouvelles, les documentaires, les jeux télévisés, les programmes d’action, tandis que dans l’édition, on trouve des romans, des journaux, des bandes dessinées, des biographies, etc. Parfois, les formats se chevauchent, mais même dans ce cas, il existe des systèmes de symboles au sein d’un média qui le distinguent des autres. Par exemple, dans les films, il y a des coupures, des fondus, des gros plans et d’autres techniques qui sont nettement différentes de celles utilisées dans d’autres médias. Toutes ces caractéristiques des médias s’accompagnent de leurs propres conventions et contribuent ou modifient la manière dont le sens est extrait ou interprété.

Enfin, les organisations médiatiques s’inscrivent dans un contexte culturel fort. Par exemple, Schramm (1972) a constaté que les radiodiffuseurs disposent souvent d’un ensemble de critères professionnels et de méthodes d’évaluation de la « qualité » d’une émission éducative différents de ceux des éducateurs (ce qui a rendu mon travail d’évaluation des programmes réalisés par la BBC pour l’Open University très intéressant). Aujourd’hui, ce « fossé » professionnel se traduit par des différences entre les informaticiens et les éducateurs en matière de valeurs et de convictions concernant l’utilisation de la technologie dans l’enseignement. Sommairement, cela se réduit à des questions de contrôle : qui est responsable de l’utilisation de la technologie pour l’enseignement? Qui prend les décisions concernant la conception d’un CLOM ou l’utilisation d’une animation?

7.3.4 Les affordances des médias

Figure 6.3.2 Graphs can represent, in a different way, the same concepts as written descriptions or formulae. Understanding the same thing in different ways generally leads to deeper understanding. Image: © Open University 2013
Figure 7.3.3 Les graphiques peuvent représenter, d’une manière différente, les mêmes concepts que les descriptions écrites ou les formules. Saisir la même chose de différentes manières conduit généralement à une compréhension plus profonde.
Image : © Open University 2013

Les divers médias ont différents effets éducatifs ou affordances. Si l’on se contente de transposer le même enseignement sur un support médiatique différent, on n’exploite pas les caractéristiques uniques de ce support médiatique. Bref, on peut enseigner différemment et souvent mieux en adaptant l’enseignement au support médiatique. Ainsi, les élèves apprendront de manière plus approfondie et plus efficace. Pour illustrer cela, prenons un exemple qui date du début de ma carrière de chercheur en médias éducatifs.

7.3.4.1 Une anecdote personnelle

En 1969, j’ai été nommé chargé de recherches à l’Open University au Royaume-Uni. À cette époque, l’université venait de recevoir sa charte royale. J’étais le 20e employé embauché. Mon travail consistait à faire des recherches sur les programmes pilotes proposés par le National Extension College, qui offrait des programmes d’enseignement à distance peu coûteux et ne donnant pas droit à des crédits en partenariat avec la BBC. Le NEC était vu comme un « modèle » pour le type de cours multimédias intégrés, composés d’un mélange d’imprimés et de programmes de radio et de télévision, qui devaient être proposés par l’Open University lorsqu’elle a démarré.

Mon collègue et moi-même avons envoyé des questionnaires par la poste chaque semaine aux étudiants suivant les cours du NEC. Le questionnaire contenait à la fois des choix de réponses prédéfinies et la possibilité de commentaires ouverts, et demandait aux étudiants leurs avis sur les composantes imprimées et audiovisuelles des cours. Nous voulions savoir ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas dans la conception de cours multimédias d’enseignement à distance.

Lorsque j’ai commencé à analyser les questionnaires, j’ai été particulièrement frappé par les commentaires « ouverts » concernant les émissions de télévision et de radio. Les avis sur les composantes imprimées avaient tendance à être « froids » : rationnels, calmes, critiques, constructifs. Les réactions aux émissions étaient à l’opposé : « bouillantes », émotionnelles, très favorables ou très critiques, voire hostiles, et rarement critiques et constructives. Il se passait quelque chose ici.

7.3.4.2 Résultats de la recherche : les différences entre les médias

La découverte initiale que les différents médias affectent différemment les élèves a été très rapide, mais il a fallu plus de temps pour découvrir en quoi les médias sont différents, et encore plus longtemps pourquoi, mais voici quelques-unes des découvertes faites par mes collègues et moi-même au sein du groupe de recherche sur les médias audiovisuels de l’OU (Bates, 1984) :

  • les producteurs de la BBC (tous titulaires d’un diplôme dans le domaine dans lequel ils réalisaient des programmes) avaient une conception de la connaissance différente de celle des universitaires avec lesquels ils travaillaient. En particulier, ils avaient tendance à réfléchir de manière plus visuelle et plus concrète sur le sujet. Ils avaient donc tendance à créer des programmes qui montraient des exemples concrets de concepts ou de principes mentionnés dans les textes, des applications de ces principes ou la façon dont les concepts théoriques fonctionnaient dans la vie réelle. L’apprentissage théorique repose sur l’abstraction et sur des niveaux de pensée plus élevés. Cependant, les concepts abstraits sont mieux compris s’ils peuvent être mis en relation avec des expériences concrètes ou empiriques, dont les concepts abstraits sont d’ailleurs souvent tirés. Les programmes télévisés permettaient aux apprenants d’aller et venir entre l’abstrait et le concret. Lorsque ceux-ci étaient bien conçus, ils ont vraiment aidé un grand nombre d’étudiants, mais pas tous;
  • les étudiants ont réagi très différemment aux programmes télévisés en particulier. Certains les adoraient, d’autres les détestaient, et peu étaient indifférents. Ceux qui les détestaient voulaient que les programmes soient didactiques et répètent ou renforcent ce qui se trouvait dans les textes imprimés. Il est intéressant de noter que les personnes qui détestaient les programmes télévisés avaient tendance à obtenir de moins bonnes notes, voire à échouer à l’examen final du cours. Ceux qui adoraient les programmes télévisés avaient tendance à obtenir de meilleures notes. Ils voyaient comment les programmes illustraient les principes énoncés dans les textes et se rendaient compte qu’ils incitaient les étudiants à réfléchir de manière plus large ou plus critique sur les sujets abordés dans le cours. La seule exception concerne les mathématiques, pour lesquelles les étudiants à risque d’échec ont trouvé les programmes télévisés les plus utiles;
  • les producteurs de la BBC utilisaient rarement des têtes parlantes (plans rapprochés d’un présentateur) ou des conférences télévisées. Avec la radio et plus tard les cassettes audio, certains producteurs et universitaires ont intégré l’audio aux textes, par exemple en mathématiques, en utilisant un programme radio et plus tard des cassettes audio pour expliquer aux étudiants les équations ou les formules du texte imprimé (comme les cours de la Khan Academy aujourd’hui sur vidéo);
  • l’utilisation de la télévision et de la radio pour enrichir son apprentissage est une habileté qui peut être enseignée aux étudiants. Dans le cours de sciences sociales de base (première année) (D100), de nombreux programmes ont été réalisés dans un style documentaire typique de la BBC. Même si les programmes étaient accompagnés de notes de diffusion détaillées qui tentaient d’établir un lien entre les programmes et les textes théoriques, de nombreux étudiants éprouvaient des difficultés avec ces programmes. Lorsque le cours a été remanié cinq ans plus tard, un éminent universitaire (Stuart Hall) a joué le rôle de « présentateur » pour tous les programmes. Les premiers programmes ressemblaient un peu à des cours magistraux, mais au fur et à mesure que les cours avançaient, Stuart Hall introduisait de plus en plus de clips visuels et aidait les étudiants à analyser chaque clip. À la fin du cours, les programmes étaient presque tous en format documentaire. Les étudiants ont donné une bien meilleure évaluation des programmes remaniés et ont beaucoup plus utilisé d’exemples tirés des programmes télévisés dans leurs devoirs et leurs examens pour le cours remanié.

7.3.4.3 Pourquoi ces résultats sont-ils importants?

À l’époque (et pendant de nombreuses années par la suite), des chercheurs tels que Richard Clark (1983) avaient affirmé que les recherches scientifiques « bien faites » ne montraient aucune différence significative entre l’utilisation des différents médias. En particulier, il n’y avait pas de différence entre l’enseignement en classe et d’autres médias tels que la télévision, la radio ou le satellite. Aujourd’hui encore, on nous présente des résultats similaires en ce qui concerne l’apprentissage en ligne (p. ex., Means et autres, 2010).

En effet, la méthodologie de recherche utilisée par les chercheurs pour ces études comparatives exige que les deux conditions comparées soient les mêmes, à l’exception du support médiatique utilisé (appelées comparaisons appariées, ou parfois études quasi-expérimentales). En règle générale, pour que la comparaison soit scientifiquement rigoureuse, si vous avez donné des cours magistraux en classe, vous deviez les comparer avec des cours magistraux à la télévision. Si vous utilisiez un autre format télévisuel, comme un documentaire, vous ne compariez pas des éléments comparables. Puisque la salle de classe était utilisée comme base de comparaison, il fallait éliminer toutes les affordances de la télévision (ce qu’elle pouvait faire de mieux qu’un cours magistral) afin de pouvoir la comparer. En effet, Clark a soutenu que lorsque des différences d’apprentissage ont été constatées entre les deux conditions, ces différences résultaient de l’utilisation d’une pédagogie différente dans l’enseignement qui n’était pas fait en salle de classe.

Le point essentiel est que différents médias peuvent être utilisés pour aider les apprenants à apprendre de différentes manières et à atteindre différents résultats. Dans un sens, les chercheurs tels que Clark avaient raison : les méthodes d’enseignement sont importantes, mais différents médias peuvent plus facilement soutenir différentes façons d’apprendre que d’autres. Dans notre exemple, un documentaire télévisé vise à développer les capacités d’analyse et d’application ou de reconnaissance des concepts théoriques, tandis qu’un cours magistral en classe est davantage axé sur la compréhension et la mémorisation correcte des concepts théoriques. Ainsi, le fait d’exiger que le programme télévisé soit jugé selon les mêmes méthodes d’évaluation que le cours magistral en classe mesure injustement la valeur potentielle du programme télévisé. Dans cet exemple, il peut être préférable d’utiliser les deux méthodes : l’enseignement didactique (un cours magistral) pour enseigner la compréhension, puis une approche documentaire pour appliquer cette compréhension.

L’idée que plusieurs médias valent mieux qu’un seul est peut-être encore plus importante. Cela permet de tenir compte des préférences des apprenants en matière d’apprentissage et d’enseigner la matière de différentes manières à l’aide de différents médias, ce qui permet d’approfondir la compréhension et d’élargir l’éventail des compétences. Par contre, l’utilisation de plusieurs médias peut entraîner une augmentation des coûts.

7.3.5 Comment ces résultats s’appliquent-ils à l’apprentissage numérique?

L’apprentissage numérique peut intégrer divers médias : texte, images, audio, vidéo, animation, simulations. Nous devons mieux comprendre les possibilités offertes par chaque média dans Internet et les utiliser différemment, mais de manière intégrée, afin de développer des connaissances plus approfondies et un plus large éventail de résultats et de compétences d’apprentissage. L’utilisation de différents médias permet également une plus grande individualisation et personnalisation de l’apprentissage, ce qui convient mieux aux apprenants ayant des styles et des besoins d’apprentissage différents. Mais surtout, nous devrions cesser d’essayer simplement de transférer l’enseignement en classe vers d’autres médias tels que les CLOM, et commencer à concevoir l’apprentissage numérique de manière à ce que son plein potentiel puisse être exploité.

7.3.6 Les affordances des médias

Si nous voulons sélectionner des technologies appropriées pour l’enseignement et l’apprentissage, nous ne devons pas nous contenter d’examiner les caractéristiques techniques d’une technologie, ni même le système technologique plus large dans lequel elle s’inscrit, ni même les convictions pédagogiques qui sont les nôtres en tant qu’enseignant. Nous devons également examiner les caractéristiques uniques des différents médias, en termes de formats, de systèmes de symboles et de valeurs culturelles. Ces caractéristiques uniques sont de plus en plus souvent appelées « affordances » des médias ou de la technologie.

Le concept de média est beaucoup plus « souple » et « riche » que celui de « technologie », plus ouvert à l’interprétation et plus difficile à définir, mais « média » est un concept utile, en ce sens qu’il peut également inclure la communication en personne ou, de manière plus pertinente, l’enseignement en classe en tant que média. Une autre raison de faire la distinction entre les médias et la technologie est de reconnaître que la technologie en elle-même ne conduit pas au transfert de sens.

Au fur et à mesure que de nouvelles technologies sont développées et intégrées dans les systèmes médiatiques, les anciens formats et approches sont transférés des anciens médias aux nouveaux. L’éducation ne fait pas exception à la règle. Les nouvelles technologies sont « adaptées » aux anciens formats, comme les cours sur Zoom, ou nous essayons de créer une salle de classe dans un espace virtuel, comme les systèmes de gestion de l’apprentissage. Cependant, de nouveaux formats, systèmes de symboles et structures organisationnelles qui exploitent les caractéristiques uniques d’Internet en tant que média sont progressivement découverts. Il est parfois difficile de voir clairement ces caractéristiques uniques à ce stade. Malgré tout, les portfolios électroniques, l’apprentissage mobile, les ressources éducatives ouvertes telles que les animations ou les simulations, et l’apprentissage autogéré au sein de grands groupes sociaux en ligne sont autant d’exemples de la manière dont nous développons progressivement les « affordances » uniques d’Internet.

Plus important encore, l’utilisation d’ordinateurs pour remplacer ou se substituer aux êtres humains dans le processus éducatif risque d’être une grave erreur, étant donné la nécessité de créer et d’interpréter le sens lors de l’utilisation des médias, du moins jusqu’à ce que les ordinateurs soient beaucoup plus à même de reconnaître, de comprendre et d’appliquer la sémantique, les systèmes de valeurs et les caractéristiques organisationnelles, qui sont tous des éléments importants de la « lecture » de différents médias. Mais en même temps, il est tout aussi erroné de s’appuyer uniquement sur les systèmes de symboles, les valeurs culturelles et les structures organisationnelles de l’enseignement en classe pour juger de l’efficacité ou de l’adéquation d’Internet en tant que média d’enseignement.

Nous devons donc mieux comprendre les forces et les limites des différents médias à des fins d’enseignement si nous voulons réussir à sélectionner le bon média pour le travail à accomplir. Cependant, compte tenu des facteurs contextuels très différents qui influencent l’apprentissage, la tâche de sélection des médias et des technologies devient infiniment complexe. C’est pourquoi il s’est avéré impossible de développer des algorithmes simples ou des arbres de décision pour une prise de décision efficace dans ce domaine. Toutefois, certaines lignes directrices peuvent être utilisées pour déterminer la meilleure utilisation des différents médias dans une société dépendante d’Internet. Pour élaborer de telles lignes directrices, nous devons explorer en particulier les affordances éducatives uniques du texte, de l’audio, de la vidéo et de l’informatique, ce qui constitue la prochaine tâche de ce chapitre.

Références

Bates, A. (1984) Broadcasting in Education: An Evaluation London: Constables

Clark, R. (1983) Reconsidering research on learning from media Review of Educational Research, Vol. 53, No. 4

Means, B. et al. (2010) Evaluation of Evidence-Based Practices in Online Learning: A Meta-Analysis and Review of Online Learning Studies Washington, DC: US Department of Education

Schramm, W. (1972) Quality in Instructional Television Honolulu HA: University Press of Hawaii

Lectures additionnelles

Si vous souhaitez approfondir les définitions et les différences entre les médias et la technologie, vous voudrez peut-être lire l’un des éléments suivants :

Bates, T. (2012) Pedagogical roles for video in online learning, Online Learning and Distance Education Resources

Bates, T. (2011) Marshall McLuhan and his relevance to teaching with technology, Online learning and distance education resources, July 20 (for a list of McLuhan references as well as a discussion of his relevance)

Guhlin, M. (2011) Education Experiment Ends, Around the Corner – MGuhlin.org, September 22

Kozma, R. (1994) Will Media Influence Learning? Reframing the Debate’, Educational Technology Research and Development, Vol. 42, No. 2, pp. 7-19

Russell, T. L. (1999) The No Significant Difference Phenomenon Raleigh, NC: North Carolina State University, Office of Instructional Telecommunication

Salomon, G. (1979) Interaction of Media, Cognition and Learning San Francisco: Jossey Bass

Activité 7.3 Médias or technologies?

  1. La distinction entre médias et technologies vous paraît-elle utile? Si oui, comment classeriez-vous les éléments suivants (média ou technologie) :
    • journaux
    • presse à imprimer
    • émission de télévision
    • Netflix
    • salle de classe
    • MOOC
    • forum de discussion
  2. Pensez-vous que les connaissances changent lorsqu’elles sont représentées par différents médias? Par exemple, l’animation d’une fonction mathématique représente-t-elle quelque chose de différent de l’équation écrite ou imprimée de la même fonction? Qu’est-ce qui est le plus « mathématique » : la formule ou l’animation?
  3. Qu’est-ce qui, à votre avis, rend Internet unique du point de vue de l’enseignement, ou s’agit-il simplement d’un « vieux vin dans de nouvelles bouteilles »?
  4. Pour le texte, il y a les maisons d’édition et les éditeurs de journaux; pour l’audio, il y a les stations de radio; pour les vidéos, il y a les sociétés de télévision et YouTube. Existe-t-il une organisation comparable pour l’Internet ou n’est-ce pas vraiment un média au sens de l’édition, de la radio ou de la télévision?

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