Chapitre 7 : Comprendre les technologies en éducation

7.6 La richesse des médias

Figure 7.6.1 « Making sense of biology » (comprendre la biologie). Cliquez sur l’image pour voir un bon exemple d’utilisation des médias enrichis. Image : Mr Exham.com

7.6.1 L’évolution historique de la richesse médiatique

À la Section 7.2, « Un bref historique des technologies éducatives », l’évolution des différents médias dans l’éducation a été décrite, en commençant par l’enseignement et l’apprentissage oraux, en passant par la communication écrite ou textuelle, puis par la vidéo et enfin par l’informatique. Chacun de ces moyens de communication s’est généralement accompagné d’une augmentation de la richesse du média, en ce qui a trait au nombre de sens et aux capacités d’interprétation nécessaires pour traiter l’information.

Une autre façon de définir la richesse des médias est de s’appuyer sur les systèmes de symboles utilisés pour communiquer par l’intermédiaire du média. Ainsi, le matériel textuel a très tôt incorporé des images et des dessins en plus des mots. La télévision ou la vidéo incorpore du son ainsi que des images fixes et animées. L’informatique peut maintenant intégrer du texte, du son, de la vidéo, des animations, des simulations, de la programmation et des réseaux, le tout à l’aide d’Internet.

7.6.2 Le continuum de la richesse des médias

Figure 7.6.2 Le continuum de la richesse médiatique

Encore une fois, il existe un continuum en ce qui a trait à la richesse médiatique, comme l’illustre la Figure 7.6.2 ci-dessus. Aussi, une fois de plus, la conception d’un média particulier peut influencer l’endroit où il sera placé sur le continuum. Par exemple, dans la Figure 7.6.2, les différentes formes d’enseignement utilisant la vidéo sont représentées en bleu. Les conférences Ted, les cours télévisés et souvent les xCLOM utilisent souvent des plans rapprochés sur le présentateur. La Khan Academy utilise des images dynamiques ainsi que des commentaires vocaux et la vidéo YouTube de Mr Exham sur les cellules procaryotes comprend des images en couleur et des animations ainsi qu’un commentaire en plan rapproché. Les émissions de télévision éducative sont susceptibles d’utiliser un éventail encore plus large de techniques vidéo.

Cependant, bien que la richesse de la vidéo puisse être augmentée ou diminuée par la manière dont elle est utilisée, la vidéo sera toujours plus riche comme média que la radio ou les manuels scolaires. La radio ne sera jamais un média enrichi en ce qui a trait à ses systèmes de symboles parce qu’elle dépend d’un seul support, l’audio, et même la vidéo de plan rapproché sur un présentateur est plus riche symboliquement que la radio.

Il n’y a pas ici de jugement normatif ou évaluatif. La radio peut être « riche » dans le sens où elle exploite pleinement les caractéristiques ou les systèmes de symboles du média. Une émission de radio bien réalisée a plus de chances d’être efficace d’un point de vue éducatif qu’une vidéo mal produite. Mais en ce qui concerne la représentation des connaissances, les possibilités de la radio sur le plan de la richesse médiatique seront toujours moindres que celles de la vidéo.

7.6.3 La valeur éducative de la richesse médiatique

De quel niveau de richesse médiatique a-t-on besoin pour l’enseignement et l’apprentissage? Du point de vue de l’enseignement, les médias enrichis présentent des avantages par rapport à un seul support de communication, car ils permettent à l’enseignant d’en faire plus. Par exemple, de nombreuses activités qui exigeaient auparavant que les apprenants soient présents à un moment et à un endroit précis pour observer des processus ou des procédures tels que la démonstration d’un raisonnement mathématique, des expériences, des actes médicaux ou le démontage d’un carburateur, peuvent désormais être enregistrées et mises à la disposition des apprenants pour qu’ils puissent les visionner à tout moment. Parfois, des phénomènes trop coûteux ou trop difficiles à montrer dans une salle de classe peuvent être illustrés par des animations, des simulations, des enregistrements vidéo ou la réalité virtuelle.

En outre, chaque apprenant peut obtenir la même vue que tous les autres apprenants et peut visionner le processus plusieurs fois jusqu’à ce qu’il le maîtrise. Une bonne préparation avant l’enregistrement peut faire en sorte que les processus soient démontrés correctement et clairement. La combinaison de la voix et de la vidéo permet d’apprendre avec plusieurs sens. Même des combinaisons simples, telles que l’utilisation du son sur une séquence d’images fixes dans un texte, se sont révélées plus efficaces que l’apprentissage par un seul moyen de communication (voir, par exemple, Durbridge, 1984). Les vidéos de la Khan Academy ont exploité très efficacement la puissance de l’audio combinée à des images dynamiques. L’informatique ajoute un autre élément de richesse, permettant de mettre les apprenants en réseau ou de s’adapter selon leur contribution.

Du point de vue de l’apprenant, il convient toutefois d’être prudent avec les médias enrichis. Deux concepts particulièrement importants sont la surcharge cognitive et la zone de développement proximale de Vygotsky. La surcharge cognitive se produit lorsque les étudiants reçoivent trop d’informations à un niveau trop complexe ou trop rapidement pour qu’ils puissent les assimiler correctement (Sweller, 1988). La zone de développement proximal (ZDP) de Vygotsky (Vygotsky, 1934) est la différence entre ce qu’un apprenant peut faire sans aide et ce qu’il peut faire avec de l’aide. Les médias enrichis peuvent contenir une grande quantité d’informations comprimées dans un laps de temps très court et leur valeur dépendra dans une large mesure du niveau de préparation de l’apprenant pour les interpréter.

Par exemple, une vidéo documentaire peut être utile pour démontrer la complexité du comportement humain ou des systèmes industriels complexes, mais les apprenants peuvent avoir besoin de préparation pour savoir ce qu’ils doivent chercher, ou pour identifier les concepts ou les principes qui peuvent être illustrés dans le documentaire. En revanche, l’interprétation des médias enrichis est une compétence qui peut être enseignée explicitement par des démonstrations et des exemples (Bates et Gallagher, 1977). Bien que la durée des vidéos YouTube soit limitée à environ huit minutes, principalement pour des raisons techniques, elles sont également plus faciles à assimiler qu’une vidéo continue de 50 minutes. Là encore, la conception est importante pour aider les apprenants à utiliser pleinement les médias enrichis à des fins éducatives.

7.6.4 Média simple ou enrichi?

Lorsqu’on choisit un média pour enseigner, on a naturellement tendance à opter pour le média le plus « riche » ou le plus puissant. Pourquoi utiliser un balado plutôt qu’une vidéo? Il y a en fait plusieurs raisons :

  • le coût et la facilité d’utilisation : il peut être plus rapide et plus simple d’utiliser un balado, surtout s’il permet d’atteindre le même objectif d’apprentissage;
  • il peut y avoir trop de distractions dans un média enrichi pour que les étudiants saisissent l’essentiel de l’enseignement. Par exemple, l’enregistrement vidéo d’un carrefour très fréquenté pour étudier le flux de circulation peut inclure toutes sortes de distractions pour le spectateur par rapport à l’observation réelle des schémas de circulation. Un simple diagramme ou une animation qui se concentre uniquement sur le phénomène à observer peut être préférable;
  • le média enrichi peut être inadapté par rapport à la tâche d’apprentissage. Par exemple, si les étudiants doivent suivre et critiquer un argument particulier ou une chaîne de raisonnement, un texte peut s’avérer plus efficace qu’une vidéo d’un présentateur ayant des tics agaçants qui parle de la chaîne de raisonnement.

En général, il est tentant de toujours rechercher le support médiatique le plus simple, puis d’opter pour un support plus complexe ou plus riche si le média simple ne permet pas d’atteindre les objectifs d’apprentissage de manière adéquate. Toutefois, il convient de considérer la richesse médiatique comme un critère de choix des médias ou des technologies, car les médias enrichis peuvent permettre d’atteindre des objectifs d’apprentissage qui seraient difficiles à atteindre avec un média simple.

Ceci était la dernière des caractéristiques des médias et des technologies qui peuvent influencer les décisions relatives à l’enseignement et à l’apprentissage. La prochaine section présentera une vue d’ensemble et un résumé.

Références

Bates, A. and Gallagher, M. (1977) Improving the Effectiveness of Open University Television Case-Studies and Documentaries Milton Keynes: The Open University I.E.T. Papers on Broadcasting, No. 77 (out of print – copies available from tony.bates@ubc.ca).

Durbridge, N. (1984) Audio cassettes, in Bates, A. (ed.) The Role of Technology in Distance Education London: Routledge (re-published in 2014)

Sweller, J. (1988) Cognitive load during problem solving: effects on learning, Cognitive Science, Vol. 12

Vygotsky, L.S. (1987). Thinking and speech, in R.W. Rieber & A.S. Carton (eds.), The collected works of L.S. Vygotsky, Volume 1: Problems of general psychology (pp. 39–285). New York: Plenum Press. (Original work published 1934.)

Activité 7.6 Quelle est la richesse de votre média?

  1. Quels sont les médias que vous utilisez actuellement pour enseigner? Où les placeriez-vous sur le continuum de la « richesse médiatique »? Quels pourraient être les avantages pour votre enseignement d’une modification de vos supports pour augmenter ou réduire la richesse des médias que vous utilisez?
  2. Êtes-vous d’accord avec l’affirmation suivante : « il est utile de toujours rechercher le média le plus simple ».
  3. Quelle importance accordez-vous à la richesse du support médiatique lors de la prise de décisions concernant l’utilisation des médias et des technologies?
  4. Êtes-vous d’accord avec le positionnement des différents médias sur le continuum dans la figure 7.6.2? Si ce n’est pas le cas, pourquoi?

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L’enseignement à l’ère numérique Droit d'auteur © 2023 par Anthony William (Tony) Bates est sous licence License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale 4.0 International, sauf indication contraire.

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