Chapitre 10 : Choisir et utiliser les médias en éducation
10.3 La convivialité
10.3.1 Prioriser la simplicité
Dans la plupart des cas, l’utilisation de la technologie dans l’enseignement est un moyen, mais pas une fin. Par conséquent, il est important que les étudiantes et étudiants et le personnel enseignant n’aient pas à consacrer beaucoup de temps à apprendre comment utiliser les technologies éducatives ou à les faire fonctionner. Bien sûr, il y a des exceptions si la technologie est le domaine d’études, comme l’informatique ou l’ingénierie, ou si l’apprentissage de l’utilisation d’outils logiciels est essentiel pour certains aspects du curriculum : par exemple la conception aidée par ordinateur en architecture, les feuilles de calcul en administration des affaires et les systèmes d’information géographique en géologie. Très souvent pourtant, le but des études n’est pas d’apprendre comment utiliser un élément particulier de la technologie éducative, mais plutôt de se concentrer sur la matière comme l’histoire, les mathématiques ou la biologie.
Un avantage de l’enseignement en face-à-face est qu’il ne nécessite relativement que peu de temps de préparation comparativement, par exemple, à l’élaboration des cours entièrement en ligne. De plus, la capacité des médias et des technologies, quant à la vitesse de la mise en œuvre et la flexibilité pour les mises à jour, peut varier. Par exemple, l’élaboration et la distribution des blogues sont plus rapides et faciles que celles des vidéos. Il est donc plus probable que le personnel enseignant et de formation utilise la technologie offrant plus de rapidité et de facilité, et que les étudiantes et étudiants de même s’attendent à de telles particularités dans la technologie dont ils se servent pour étudier. Toutefois, ce qui est « facile » à utiliser pour le personnel de formation et les étudiantes et étudiants dépendra de leur littératie numérique.
10.3.2 La littératie ou les compétences numériques et informationnelles
Si les étudiantes et étudiants et le personnel enseignant doivent consacrer beaucoup de temps à apprendre comment utiliser par exemple le logiciel pour l’élaboration et la prestation des matériels de cours, ces activités les distraient de l’apprentissage et de l’enseignement. Bien sûr, il existe un ensemble élémentaire de compétences de littératie qui sont obligatoires, entre autres celles de lire et d’écrire, d’utiliser un clavier et un logiciel de traitement de texte, de se servir du logiciel Internet et de naviguer sur le Web, et d’utiliser des appareils mobiles. Cependant, ces compétences génériques pourraient être considérées comme des prérequis. Si les étudiantes et étudiants n’ont pas développé adéquatement ces habiletés à l’école, il se pourrait alors que l’établissement d’enseignement fournisse des cours préparatoires sur ces sujets à leur intention.
La vie sera plus facile pour le personnel enseignant et pour les étudiantes et étudiants, si l’établissement d’enseignement met en place des stratégies pour soutenir l’utilisation des médias numériques par ces derniers. À l’University of British Columbia par exemple, le projet Digital Tattoo, géré conjointement par l’Université de la Colombie-Britannique et l’Université de Toronto, prépare les étudiantes et étudiants pour l’apprentissage en ligne de plusieurs façons :
- introduire les étudiantes et étudiants à une gamme de technologies qui pourraient être utilisées pour leur apprentissage – comme les systèmes de gestion de l’apprentissage, les ressources éducatives libres, les MOOC et les portfolios électroniques;
- expliquer les implications d’étudier en ligne ou à distance;
- présenter les possibilités et les risques des médias sociaux;
- donner des conseils sur comment protéger leur vie privée;
- proposer des moyens pour mettre le mieux à profit la connexion, le réseautage et la recherche en ligne;
- suggérer comment prévenir la cyberintimidation;
- maintenir une présence professionnelle en ligne.
Si votre établissement d’enseignement n’offre pas un quelconque projet semblable, vous pourriez alors diriger vos étudiantes et étudiants vers le site Digital Tattoo, qui est entièrement ouvert.
Les étudiantes et étudiants ne sont pas toutefois les seuls, qui ont besoin de préparation en vue des cours. La technologie est parfois trop séductrice, vous pouvez commencer à l’utiliser sans comprendre complètement sa structure ou la façon dont elle fonctionne. Même une courte période de formation (d’une heure au moins) sur les manières d’utiliser les technologies communes, comme un système de gestion de l’apprentissage (SGA) ou la vidéoconférence pourrait vous épargner beaucoup de temps et, plus important encore, vous permettre de déceler la valeur potentielle de toutes les particularités et non pas seulement celles que vous trouvez par hasard.
10.3.3 L’orientation
Une norme ou un critère utile pour la sélection des médias ou des logiciels pour les cours est que les étudiantes et étudiants « novices » (c’est-à-dire qui n’ont jamais utilisé le logiciel avant) devraient commencer à étudier dans les 20 minutes après s’être connectés. Cette période de 20 minutes peut leur être nécessaire pour déchiffrer certaines des fonctions clés du logiciel, qui ne leur sont pas familières, ou pour découvrir la configuration du site Web de cours et comment y naviguer.
En fait, il s’agit plutôt d’une période d’orientation que d’un apprentissage de nouvelles habiletés informatiques. S’il est nécessaire d’introduire un nouveau logiciel exigeant un peu de temps à maitriser (p. ex., une facilité de clavardage – ou « chat », ou une diffusion vidéo en continu), cela devrait se faire au moment où il est requis. Cependant, il est important de fournir du temps dans le cours pour que les étudiantes et étudiants puissent apprendre comment l’utiliser.
10.3.4 La conception de l’interface
La conception de l’interface entre l’utilisateur et la machine est le facteur crucial qui permet de rendre transparente la technologie. Donc, un programme éducatif ou même tout site Web devrait être bien structuré et intuitif pour offrir la convivialité à l’utilisateur et facile à y naviguer.
La conception de l’interface est une profession hautement qualifiée. Elle se base sur une combinaison de trois éléments : la recherche scientifique quant à la manière dont les êtres humains apprennent, une compréhension de la façon dont les logiciels d’exploitation fonctionnent et une bonne formation en design graphique. C’est l’une des raisons pour laquelle il est souvent sage d’utiliser les logiciels ou les outils qui sont bien établis dans le secteur de l’éducation, parce qu’ils ont été testés et il a été démontré qu’ils fonctionnent bien.
L’interface générique traditionnelle des ordinateurs – un clavier, une souris et une interface utilisateur graphique de fenêtres, de menus déroulants et d’instructions conceptuelles – est encore extrêmement rudimentaire et non pas isomorphique avec les préférences de la majorité des gens pour traiter l’information. Elle met un accent très fort sur les compétences de littératie et une préférence pour l’apprentissage visuel. Cela peut causer des difficultés majeures pour les étudiantes et étudiants ayant des incapacités, comme la dyslexie ou une mauvaise vue. Dans les dernières années cependant, les interfaces sont devenues plus conviviales avec un écran tactile et des interfaces activées par la voix.
Néanmoins, de grands efforts ont souvent été déployés pour l’adaptation des interfaces d’ordinateur ou d’appareils mobiles existantes afin de faciliter leur utilisation dans un contexte éducationnel. Le Web est autant un prisonnier de l’interface d’ordinateur général que tout autre environnement logiciel. En outre, le potentiel éducatif de tout site Web est restreint aussi par sa structure algorithmique ou arborescente. Par exemple, cela ne convient pas toujours à la structure inhérente de quelques champs d’études ou, encore, au style d’apprentissage préféré de certains étudiantes et étudiants.
Certaines conséquences découlent de ces limitations des interfaces pour le personnel enseignant dans l’éducation supérieure :
- Il est vraiment important de choisir les logiciels ou d’autres technologies d’enseignement qui sont faciles à utiliser intuitivement par les étudiantes et étudiants en particulier, mais aussi par le personnel enseignant pour la création des matériels et l’interaction avec ses étudiantes et étudiants.
- Lors de la création des matériels pour l’enseignement, le personnel enseignant doit être conscient des questions concernant la navigation des matériels, ainsi que la mise en page de l’écran et les graphiques. Bien qu’il soit possible d’ajouter des particularités stimulantes comme l’audio et les graphiques animés, cela gruge la bande passante. De telles particularités devraient être ajoutées uniquement si elles servent une fonction éducative utile parce que la prestation lente des matériels est extrêmement frustrante pour les apprenantes et apprenants, qui ont habituellement un accès Internet déjà plus lent que le personnel enseignant qui crée les matériels. En outre, la mise en page Web sur les ordinateurs portables ou de bureau ne se transfère pas automatiquement aux mêmes dimensions ou configurations sur les appareils mobiles, et ceux-ci ont une vaste gamme de normes selon l’appareil. Vu que la conception des matériels Web exige un haut niveau de compétence spécialisée en conception d’interface, il est préférable de rechercher l’aide d’un spécialiste, surtout si vous voulez utiliser des logiciels ou des médias qui ne sont pas des outils standard bénéficiant d’un soutien institutionnel. Cela est spécialement important, entre autres si vous songez à utiliser de nouvelles applis mobiles.
- Nous pouvons nous attendre dans les prochaines années à des changements significatifs dans l’interface d’ordinateur général en raison du développement de la technologie de reconnaissance vocale, des réactions adaptatives basées sur l’intelligence artificielle et de l’utilisation d’interfaces haptiques (p. ex., le mouvement de la main) pour contrôler les appareils. Les changements dans la conception de l’interface de base des ordinateurs pourraient avoir un impact profond sur l’utilisation de la technologie dans l’enseignement, et ce, tout comme Internet.
10.3.5 La fiabilité
La fiabilité et la robustesse de la technologie sont aussi critiques. La majorité d’entre nous ont déjà éprouvé la frustration de perdre du travail lorsque le logiciel de traitement de texte tombe en panne ou, encore, de subir une déconnexion soudaine en plein milieu du travail de rédaction d’un texte « dans le nuage ». En tant que membre du personnel enseignant ou de formation, la dernière chose que nous voulons est d’entendre beaucoup d’étudiantes et étudiants dire qu’ils ne peuvent pas obtenir l’accès en ligne ou que leur ordinateur tombe en panne constamment. (Si le logiciel verrouille une machine, il verrouillera probablement aussi toutes les autres!) Le soutien technique peut entrainer des couts énormes, non seulement pour la rémunération du personnel technique qui traite les appels de service, mais aussi pour le temps perdu par les étudiantes et étudiants et le personnel enseignant.
« L’innovation dans l’enseignement » apportera certainement des gratifications de nos jours, alors que les établissements d’enseignement jouent des coudes pour se positionner à titre d’établissements innovants. Il est souvent plus facile d’obtenir des fonds pour financer de nouvelles utilisations de la technologie que d’en trouver pour maintenir des technologies couronnées de succès, mais plus anciennes. Quoique la combinaison des balados avec un système de gestion de l’apprentissage puisse être un média d’enseignement peu couteux ainsi que hautement efficace si la bonne conception est utilisée, mais cela n’est pas excitant. Par conséquent, il sera plus facile habituellement d’obtenir un soutien pour des technologies spectaculaires beaucoup plus couteuses, notamment les xMOOC ou la réalité virtuelle.
Par contre, il est très risqué d’adapter trop tôt une nouvelle technologie. Tout logiciel peut ne pas avoir été testé suffisamment ni être fiable complètement, ou encore, la compagnie soutenant cette nouvelle technologie peut faire faillite. Les étudiantes et étudiants ne sont pas des cobayes et, pour eux, le service fiable et durable est plus important que le faste et le prestige d’une technologie qui n’a pas été éprouvée. Il vaut mieux attendre au moins un an afin que les nouveaux logiciels ou applis aient été mis à l’épreuve entièrement dans des essais généraux avant de les adopter pour l’enseignement. Il est sage de ne pas foncer à toute allure pour acheter la plus récente mise à jour d’un logiciel ou un tout nouveau produit et d’attendre plutôt que les bogues aient été réglés. Et si vous prévoyez d’utiliser une nouvelle appli ou technologie qui n’est pas soutenue en général par l’établissement d’enseignement, il faut vérifier d’abord auprès du service des TI pour vous assurer qu’il n’y a pas de problèmes en matière de sécurité, de confidentialité ou de bande passante institutionnelles. Il est donc préférable d’être à la pointe du progrès tout juste derrière la première vague d’innovation, plutôt qu’être à l’avant-garde.
Une des particularités de l’apprentissage en ligne est que son utilisation de pointe tend à se produire hors des heures normales de bureau. En conséquence, il est vraiment important que vos matériels de cours soient intégrés dans un serveur fiable ayant la fiabilité d’un accès haute vitesse tous les jours 24 heures sur 24 avec une sauvegarde automatique sur un serveur séparé autonome, qui est installé dans un autre édifice. Idéalement, les serveurs devraient être placés dans une zone sécurisée (p. ex., avec un approvisionnement en électricité d’urgence) bénéficiant d’un soutien technique 24 heures sur 24. Cela implique probablement de mettre en place vos serveurs avec un service central des TI ou « dans le nuage » et signifie qu’il est encore plus important de garantir que les matériels sont sauvegardés en tout temps d’une façon sure et autonome.
Toutefois, la bonne nouvelle est que la plupart des logiciels éducationnels commerciaux (comme les systèmes de gestion de l’apprentissage et la vidéoconférence ainsi que les serveurs) sont très fiables. Les logiciels de source ouverte sont aussi fiables en général, mais probablement un peu plus à risque de pannes techniques ou d’atteintes à la sécurité. Si vous avez un bon soutien des TI, vous devriez recevoir très peu d’appels des étudiantes et étudiants au sujet de questions techniques. Le principal problème technique, auquel l’enseignant ou l’instructeur fait face ces jours-ci, semble concerner les mises à jour logicielles des systèmes de gestion de l’apprentissage, ou encore plus perturbant, un changement de système de gestion de l’apprentissage à l’échelle de l’institution. Cela signifie souvent de transposer les matériels des cours, de la version actuelle du logiciel vers la nouvelle version. Cette opération peut être couteuse et prendre beaucoup de temps, particulièrement si la nouvelle version est substantiellement différente de la version précédente. En général, la fiabilité ne devrait pas être problématique.
10.3.6 Conclusion
Pour résumer, la convivialité de l’utilisation requiert un logiciel commercial conçu professionnellement ou un logiciel de cours à source ouverte, et une aide spécialisée pour les graphiques, la navigation et la conception de l’écran pour vos matériels de cours, ainsi qu’un robuste soutien technique pour la gestion et l’entretien du serveur et du logiciel. En Amérique du Nord certainement, la plupart des établissements d’enseignement supérieurs fournissent maintenant un service de TI et d’autres services ciblés spécifiquement pour soutenir l’enseignement basé sur la technologie. Dans les systèmes scolaires, le soutien aux systèmes de gestion de l’apprentissage standard et à la vidéoconférence sera probablement fourni au niveau central, bien qu’il soit utile d’avoir au moins une personne dans chaque école qui dispose d’une expertise technique pour soutenir les autres enseignants. Cependant, sans un tel soutien professionnel toutefois, une grande partie de votre temps en tant que membre du personnel enseignant serait consacrée à des questions techniques. Et franchement, si vous n’avez pas un accès facile et commode à ce type de soutien, il serait sage de ne pas vous engager fortement dans l’enseignement basé sur la technologie jusqu’à ce que ce soutien soit disponible.
10.3.7 Les questions à prendre en considération
La convivialité de l’utilisation est un autre facteur crucial dans l’usage réussi de la technologie pour l’enseignement. Voici quelques questions qu’il vous faut considérer :
- À quel point la convivialité à utiliser la technologie que vous envisagez est-elle intuitive à la fois pour les étudiantes et étudiants et vous-même?
- À quel point la technologie est-elle fiable?
- À quel point est-il facile de maintenir et de mettre à jour la technologie?
- La compagnie qui fournit le matériel ou le logiciel essentiel que vous utilisez : Est-ce une compagnie stable qui ne fermera pas ses portes dans un an ou deux? Ou s’agit-il d’une nouvelle entreprise en démarrage? Quelles sont les stratégies mises en place pour sécuriser tous matériels numériques d’enseignement que vous créez si le fournisseur du logiciel ou du service cesse ses activités?
- Avez-vous un soutien technique et professionnel adéquat, à l’égard de la technologie et de la conception de matériels?
- À quelle vitesse ce champ d’études se développe-t-il? À quel point est-il important de changer régulièrement les matériels d’enseignement? Quelle technologie soutient le mieux cela?
- À quel degré la gestion des changements dans les logiciels ou la technologie peuvent-ils être confiés à quelqu’un d’autre ou à quel point est-ce essentiel pour vous de le faire vous-même?
- Quelles gratifications pouvez-vous probablement recevoir pour l’utilisation d’une nouvelle technologie dans votre enseignement? L’utilisation d’une nouvelle technologie sera-t-elle la seule innovation dans votre enseignement ou pouvez-vous aussi modifier votre façon d’enseigner avec cette technologie pour obtenir de meilleurs résultats?
Quels sont les risques découlant de l’utilisation de cette technologie?
Activité 10.3 La convivialité
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Quels seraient les principaux défis liés à l’installation d’une webcam dans la salle de classe et à l’enregistrement d’un cours sur votre ordinateur en vue d’une diffusion ultérieure pour les étudiants qui ne peuvent pas se rendre en classe ?
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Comment classeriez-vous ces technologies en termes de facilité d’utilisation (a) pour vous en tant qu’enseignant/instructeur (b) pour les étudiants ?
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- un système de gestion de l’apprentissage
- une vidéo en direct (par exemple, une conférence en direct diffusée en continu à l’aide d’un logiciel de vidéoconférence tel que Zoom, GoToMeeting, Microsoft Team)
- les livres
- la réalité virtuelle
- un podcast (enregistrement audio numérique)
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