Annexe 3 : Les révisions indépendantes
Une révision selon la perspective d’un professeur : professeur James Mitchell
James Mitchell, Professeur et Directeur du Architectural & Environmental Engineering Program, Drexel University, Pennsylvanie, États-Unis
Nombre d’entre nous reconnaissent que beaucoup de choses dans notre milieu professionnel ont changé, changent et continueront de changer. Parmi nous, même ceux qui ne sont pas trop vieux utilisent des outils qui n’existaient pas quand nous étions enfants : les recherches Google, le partage des documents, les outils d’analytique, les simulations, les vidéos et les téléphones cellulaires qui sont de plus en plus performants. Nous supposons que ces changements devraient refléter le qui, le quoi et le comment à l’égard de l’enseignement. Le manuel de Tony Bates dans ce domaine, intitulé L’enseignement à l’ère numérique, s’adresse aux personnes qui désirent explorer ce nouveau continent. Dans une centaine d’années, les gens s’esclafferont probablement rétrospectivement, tout comme nous le faisons quand nous lisons les opinions des anciens Européens sur les Amériques qu’ils n’avaient jamais visitées ou peut-être seulement parcourues très peu le long de la côte Est. Il est difficile, toutefois, d’imaginer un meilleur guide que Tony Bates.
L’auteur est-il crédible? Pouvons-nous vérifier ce qu’il affirme? Son matériel est-il présenté d’une façon organisée? Possède-t-il une expérience pertinente? Met-il en pratique ce qu’il prêche? Son livre exemplifie-t-il l’approche du changement qu’il prône? La réponse à toutes ces questions est « oui », malgré de très valables opinions contraires. La technologie ne résoudra pas tous les problèmes. La pensée critique ne devrait pas être abandonnée.
Premièrement, Tony Bates est-il crédible? Il est difficile d’imaginer quelqu’un ayant une meilleure expérience dans ce domaine. Durant une carrière sur une cinquantaine d’années, il a enseigné à l’école élémentaire, aidé à démarrer l’Open University du Royaume-Uni, créé et donné des cours en ligne et mixtes, et œuvré à titre de consultant à l’échelle mondiale. Il a aussi écrit plusieurs articles et livres universitaires. Il a donc fait ses classes.
Pouvons-nous vérifier ce qu’il affirme? Oui. Chaque fois que c’est possible, ce livre cite des sources avec des liens actifs pour rendre plus facile de vérifier ces références. Il reste cohérent et minutieux d’un bout à l’autre.
Le matériel est-il présenté d’une façon organisée? Oui. Une inspection de la Table des matières montre qu’il procède à partir de la question du changement, en passant par un examen de la nature du savoir, les manières dont l’enseignement peut se faire en face-à-face et en ligne, les considérations détaillées des différences entre les médias et, finalement, jusqu’aux méthodes pour choisir, évaluer et soutenir les diverses approches. Il couvre le spectre d’une manière qui permet au lecteur d’avancer progressivement et, aussi, de sauter rapidement dans une zone particulièrement intéressante.
Ce document progresse-t-il au-delà du livre traditionnel? Tony Bates met-il en pratique ce qu’il prêche? Oui. La Table des matières se lit comme celle d’un livre traditionnel, mais il met à profit l’expérience en ligne. Cette Table est toujours présente sur une barre latérale dotée de liens actifs. Tony Bates insère sa voix dans les audioclips, et les vidéos illustrent son point si c’est approprié. Les références sont reliées par des liens chaque fois que c’est possible. De façon subtile, mais également importante, le livre est un document en direct. Il a été ébauché en ligne par l’intermédiaire d’un blogue, et les lecteurs sont invités à améliorer le livre en y répondant (c’est ainsi que ce lecteur critique s’est impliqué, un ingénieur après tout). Ce livre est présenté en vertu d’une licence Creative Commons pour que tout individu puisse utiliser ses composantes, à condition d’insérer une mention appropriée de la paternité de l’œuvre. En outre, la version en ligne est structurée de sorte qu’elle puisse évoluer.
La technologie répond-elle à toutes les questions? La longue expérience de Tony Bates et ses robustes fondements britanniques, qui améliorent son approche, se révèlent le plus dans sa reconnaissance de l’importance la démarche épistémologique de l’enseignant ainsi que de la tradition de l’éducation. Comme le montre ce livre, il apprécie la réflexion au deuxième niveau représentée par les abstractions du discours théorique. Il comprend qu’une croyance en la table rase d’un behavioriste produira une compréhension très différente de ce qui est important dans l’éducation par rapport à l’approche d’un constructiviste ou d’un connectiviste. Il traite de ces différences et tente vaillamment de les inclure dans plusieurs discussions détaillées sur de nombreux médias offerts maintenant. Bien que Tony Bates ne le mentionne pas, je soupçonne qu’il sympathise avec la référence bibliographique préférée de ce lecteur critique en matière d’enseignement : The Art of Teaching de Gilbert Highet (1950), qui a été écrit bien avant que la technologie informatique vienne compliquer les choses.
Y a-t-il des sujets importants qui ne sont pas inclus? Oui, et ce n’est pas étonnant. D’abord, peu d’attention est accordée comparativement à ce que nous ont montré les bonnes recherches quant à la façon dont étudiant individuel apprend, ce qui le motive, ce qui lui nuit, comment déterminer s’il est prêt pour une approche particulière et les nombreuses manières d’aborder les mêmes objectifs. Il ne fait aucun doute que les multiples médias qu’il présente sont des instruments pour traiter les besoins de chaque étudiant, mais Tony Bates se concentre plus sur les outils de prestation que sur la compréhension des besoins des étudiantes et étudiants. Est-ce mauvais? Non. S’il avait tenté cela aussi, cette publication déjà énorme aurait alors été beaucoup, beaucoup plus longue. Or, How Learning Works (Ambrose, Bridges, DiPietro, Lovett et Norman, 2010) serait un splendide ouvrage d’accompagnement pour le livre L’enseignement à l’ère numérique.
De façon similaire, la manière de changer les établissements d’enseignement existants, pour qu’ils adoptent et mettent en œuvre vraiment ces nouveaux modes d’éducation, est abordée minimalement. L’auditoire naturel de ce livre est le personnel de formation ou les étudiants des cycles supérieurs, et non pas les décideurs en matière budgétaire. Il est certain qu’il s’agit d’une décision délibérée, puisque Tony Bates a travaillé plusieurs années avec des décideurs universitaires. Il essaie ici d’habiliter l’individu, peut-être en espérant qu’il devienne le décideur de la prochaine génération.
Devriez-vous le lire et est-ce qu’il vous plairait? Oui, si vous ressentez par empathie un malaise au sujet des élégantes calèches de l’ancien temps alors que Henry Ford était en train de lancer la voiture Modèle T. Et le plus important est que la réflexion de Tony Bates est fondée, organisée et inclusive. Sa prose est claire, les références sont abondantes et la variété des exemples est édifiante. Vos efforts seront bien récompensés.
Reçu le 7 juin 2015