Chapitre 1 : Les changements fondamentaux dans l’éducation

1.3 L’éducation postsecondaire devrait-elle être liée directement au marché du travail?

Figure 1.4.1 Knowledge workers Image: Phil Whitehouse, 2009. Retrieved from https://www.flickr.com/photos/philliecasablanca/3344142642/.
Figure 1.3.1 Les travailleurs du savoir
Image: Phil Whitehouse, 2009. Tiré de https://www.flickr.com/photos/philliecasablanca/3344142642/

Il peut être dangereux de lier trop étroitement les programmes universitaires et collégiaux à des besoins immédiats du marché du travail. En effet, la demande du marché du travail peut fluctuer et changer très rapidement. Dans une société du savoir en particulier, il est impossible de juger quels seront les types de travail, d’entreprises et de métiers spécialisés qui émergeront à l’avenir.

Une telle focalisation sur les habiletés à l’ère numérique soulève des questions en ce qui a trait au but des universités en particulier, mais aussi à celui des collèges communautaires à scolarité de deux ans. Est-ce que l’objectif de ces établissements d’enseignement est de fournir des individus déjà formés pour leur futur emploi? Est-ce vraiment le rôle des historiens ou des physiciens d’enseigner des compétences telles que l’écoute attentive, la gestion du temps ou la perspicacité sociale ?

Il est certain que les moteurs du développement rapide de l’éducation supérieure sont les gouvernements, les employeurs et les parents, qui veulent une main-d’œuvre employable, compétitive et, si possible, prospère. En fait, former des travailleuses et travailleurs professionnels a toujours été un des rôles confiés aux universités, qui ont une longue tradition de préparation et de formation à une carrière dans le clergé, le droit et, bien plus tard, l’administration publique. L’objectif ici est de s’assurer qu’en plus d’une compréhension approfondie du contenu et des valeurs fondamentales d’une discipline, les élèves peuvent également développer des compétences qui leur permettent d’appliquer ces connaissances dans des contextes appropriés.

En outre, mettre l’accent sur les habiletés exigées pour une société du savoir – souvent appelées « compétences du 21e siècle » – renforce simplement le type d’apprentissage (surtout quant au développement des habiletés intellectuelles), qui a fait la fierté des universités dans le passé. En effet, dans ce type de marché du travail, il est essentiel de répondre aux besoins d’apprentissage des individus, plutôt qu’à ceux des compagnies ou des secteurs d’emploi spécifiques. Pour survivre dans le marché du travail actuel, il est obligatoire pour les apprenantes et apprenants d’être faire preuve de souplesse et être adaptables; ils devraient aussi avoir la capacité de travailler non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour des entreprises dont la durée de vie est dorénavant de plus en plus courte. Donc, le défi ne consiste pas à réhabiliter l’éducation postsecondaire, mais plutôt de garantir que ce type d’apprentissage satisfait plus efficacement à cet objectif.

Troisièmement, permettre aux étudiants de bien vivre et d’avoir un certain contrôle dans une société riche en technologies est certainement la responsabilité de tout éducateur. Par exemple, tous les étudiants, quelle que soit leur discipline, doivent savoir comment trouver, évaluer, analyser et appliquer des informations dans leur discipline spécifique.

Avec une telle quantité de contenus de qualité variable disponible en quelques clics, de telles compétences sont essentielles pour une société saine. Dans certains cas, il s’agit donc d’une question de langue : les enseignants et les instructeurs peuvent atteindre certaines de ces « compétences du XXIe siècle », telles que l’esprit critique dans le cadre des exigences d’une discipline spécifique, sans utiliser cette terminologie (par exemple, « comparer etdifférencier » est une activité de réflexion critique). Cependant, l’étude HEQCO (Weingarten et autres, 2018) indique que les compétences générales (soft skills) de haut niveau sont difficiles à mesurer et doivent probablement être définies et communiquées de manière plus claire et intentionnelle par les enseignants et les instructeurs. En particulier, le développement de ces compétences doit être envisagé au niveau du programme pour que les enseignants et les instructeurs puissent définir le niveau de compétences attendus des étudiants à leur arrivée, et à quel niveau cette compétence a été augmentée ou améliorée à la fin d’un cours ou d’un programme.

La Faculté d’informatique de l’Université Dalhousie en est un bon exemple. Le département a élaboré une carte montrant l’interdépendance entre les objectifs d’apprentissage spécifiques, le contenu des cours, la séquence des cours et des objectifs d’apprentissage, de sorte que chaque enseignant comprenne le niveau des compétences et des résultats que les étudiants auront acquis dans les cours précédents et puisse identifier les niveaux de compétence qu’il transmet lorsque les étudiants quittent son cours. L’un des résultats de cette démarche a été de déplacer les cours théoriques de la quatrième année à la première année, car cela a aidé les étudiants dans les dernières étapes du programme.

Ces activités ne remettent aucunement en cause les valeurs disciplinaires fondamentales, et ne font pas des universités ou des collèges de simples écoles préparatoires aux affaires, mais elles garantissent que les étudiants partent avec des compétences qui les préparent bien à vivre à une époque marquée par des nombreux défis.

Référence

Weingarten, H. et al. (2018) Measuring Essential Skills of Postsecondary Students: Final Report of the Essential Adult Skills Initiative Toronto ON: HEQCO

Activité 1.3 Quelles compétences développez-vous chez vos étudiants? Partie 2

  1. En 2019, le nouveau gouvernement provincial de l’Ontario a annoncé qu’il lierait le financement de ses établissements postsecondaires à des « objectifs de performance». Les établissements seraient encouragés à suggérer leurs propres mesures de performance.
  2. Votre établissement a décidé de se concentrer sur le développement des « compétences du 21e siècle » comme « indicateur de performance clé », et demande à tous ses départements universitaires de dresser la liste des compétences « essentielles » que leurs programmes développent. Si l’on vous posait cette question, que suggéreriez-vous en examinant non seulement votre enseignement, mais aussi celui du département ou du programme dans son ensemble ?
  3. Et quelles preuves devraient être fournies pour montrer que ces compétences sont acquises par vos étudiants ?
  4. L’obligation de faire cela constituerait-elle une atteinte à votre liberté académique ?

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L’enseignement à l’ère numérique Droit d'auteur © 2023 par Anthony William (Tony) Bates est sous licence License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale 4.0 International, sauf indication contraire.

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