Chapitre 2 : La nature du savoir et les incidences sur l’enseignement

2.8 Conclusion

 

Figure 2.8.1 Penser la théorie (Les cases vertes sont laissées ouvertes jusqu’à ce que nous couvrons les méthodes d’enseignement – la ligne du bas – dans les chapitres 3 et 4)

J’ai choisi trois approches épistémologiques qui influent sur l’enseignement et l’apprentissage. J’aurais pu cependant en choisir de nombreuses autres. Par exemple, à l’époque médiévale, la scolastique représentait une force prépondérante dans les universités européennes.

Il est encore possible de retrouver des éléments de la scolastique dans certaines universités d’élite comme Oxford et Cambridge, ainsi qu’au deuxième cycle dans le cadre de systèmes de tutorat ou de petits séminaires.

Il y a donc de nos jours différentes épistémologies pouvant influencer l’enseignement. De plus, à la grande consternation d’un bon nombre d’étudiantes et d’étudiants déconcertés, les membres du personnel enseignant eux-mêmes adoptent parfois différentes positions épistémologiques, non seulement dans des disciplines différentes, mais parfois aussi dans une même discipline. Par exemple, des domaines d’étude distincts du curriculum comme la psychologie et l’économie peuvent comprendre des fondements épistémologiques différents : ainsi, la statistique est validée d’une façon différente à partir d’une analyse freudienne (psychologie) ou de facteurs comportementaux influençant les agissements des investisseurs (économie).

Les positions épistémologiques sont souvent expliquées clairement aux étudiantes et étudiants, mais ces positions ne sont pas toujours cohérentes au sein d’une même discipline et ne s’excluent pas mutuellement. Le personnel enseignant pourra donc choisir volontairement une approche plus objectiviste avec les nouveaux venus, puis adopter une approche avec un fondement constructiviste avec des étudiantes et étudiants chevronnés. Dans un même cours, une enseignante ou un enseignant peut changer de position épistémologique. Cela peut entraîner de la confusion chez les étudiantes et étudiants si cela ne leur est pas bien expliqué.

Pour l’instant, je ne prends pas encore position (même s’il apparaîtra clairement plus tard que je favorise une philosophie avec des fondements constructivistes). On peut soulever des arguments pour et contre chacune de ces approches épistémologiques. Il faut toutefois être conscient que le savoir, et par conséquent l’enseignement, n’est pas un concept pur et objectif, mais qu’il se fonde sur différentes valeurs et croyances sur la nature du savoir.

On entend également dire aujourd’hui que les connaissances académiques sont désormais redondantes et qu’elles sont ou seront remplacées par l’apprentissage en réseau ou par un apprentissage plus appliqué. J’ai cependant fait valoir qu’il y a de bonnes raisons de maintenir et de développer les connaissances académiques, mais en se concentrant autant sur le développement des compétences que sur le contenu de l’apprentissage.

Les différentes théories de l’apprentissage reflètent des positions différentes sur la nature de la connaissance. À l’exception peut-être du connectivisme, il existe une certaine forme de preuve empirique à l’appui de chacune des théories de l’apprentissage décrites dans ce chapitre. Cependant, si les théories suggèrent différentes manières d’apprendre, elles ne disent pas automatiquement aux enseignants ou aux formateurs comment enseigner. En effet, les théories du béhaviorisme, du cognitivisme et du constructivisme ont toutes été développées en dehors de l’éducation, dans des laboratoires expérimentaux, en psychologie, en neurosciences et en psychothérapie.

Les éducateurs ont dû trouver le moyen de passer de la théorie à la pratique en appliquant ces théories dans le cadre d’une expérience éducative. En d’autres termes, ils ont dû développer des méthodes d’enseignement qui s’appuient sur ces théories de l’apprentissage.

For my personal comments on the relationship between epistemologies, theories of learning and teaching methods, please click on the podcast below
Pour mes commentaires personnels sur la relation entre les épistémologies, les théories de l’apprentissage et les méthodes d’enseignement, veuillez cliquer sur le podcast ci-dessous.


Le chapitre suivant examine une série de méthodes d’enseignement qui ont été développées, leurs racines épistémologiques et leurs implications pour l’enseignement à l’ère numérique.

Références

Entwistle, N. (2010) ‘Taking Stock: An Overview of Research Findings’ in Christensen Hughes, J. and Mighty, J. (eds.) Taking Stock: Research on Teaching and Learning in Higher Education Montreal and  Kingston: McGill-Queen’s University Press

Pour en savoir plus sur la relation entre les épistémologies, les théories de l’apprentissage et les méthodes d’enseignement, voir :

Bates, T. (2015) Thinking about theory and practice, Open Learning and Distance Education Resources, July 29

Activité 2.8 Choisir une théorie de l’apprentissage

Entwistle (2010) déclare :

« Il y a des questions importantes à poser lorsqu’il s’agit de déterminer le poids à accorder aux preuves ou la valeur d’une théorie pour la pédagogie. Par exemple :

  • La théorie est-elle dérivée de données ou d’observations dans un contexte éducatif ?
  • La théorie est-elle présentée dans un langage facilement compréhensible par les enseignants ?
  • Les aspects identifiés comme affectant l’apprentissage peuvent-ils être facilement modifiés [par l’enseignant] ?
  • La théorie a-t-elle des implications directes pour l’enseignement et l’apprentissage [dans le contexte particulier dans lequel vous travaillez] ?
  • Les suggestions sont-elles réalistes et pratiques ?
  • La théorie suscitera-t-elle de nouvelles idées sur l’enseignement ?

Il ne suffit pas qu’une théorie pédagogique explique comment les gens apprennent; elle doit également fournir des implications claires sur la manière d’améliorer la qualité et l’efficacité de l’apprentissage ».

En utilisant les critères d’Entwistle et vos propres connaissances et expériences de l’enseignement, répondez aux questions ci-dessous.

  1. Quelle théorie de l’apprentissage préférez-vous et pourquoi ? Indiquez la matière principale que vous enseignez.
  2. Votre méthode d’enseignement préférée correspond-elle à l’une de ces approches théoriques ? Notez quelques-unes des activités que vous pratiquez dans le cadre de votre enseignement et qui correspondent à cette théorie. Pouvez-vous penser à d’autres activités possibles que vous pourriez maintenant utiliser dans ce cadre théorique pour l’enseignement ?
  3. Votre enseignement combine-t-il généralement différentes théories – tantôt comportementaliste, tantôt cognitive, etc. Si oui, quelles sont les raisons ou les contextes qui vous poussent à adopter une approche spécifique plutôt qu’une autre ?
  4. Quelle est l’utilité de ces théories en termes de pratique pédagogique ? Selon vous, s’agit-il simplement de jargon ou de théories inutiles, ou d’un « étiquetage » d’une pratique communément admise, ou bien fournissent-elles des lignes directrices solides sur la manière d’enseigner ?
  5. Comment pensez-vous que les nouvelles technologies numériques, telles que les médias sociaux, affectent ces théories ? Les nouvelles technologies rendent-elles ces théories redondantes ? Le connectivisme remplace-t-il d’autres théories ou ajoute-t-il simplement une autre façon d’envisager l’enseignement et l’apprentissage ?

Il n’y a pas de rétroaction pour cette activité.

Points clés à retenir

  1. L’enseignement est une profession très complexe, qu’il faut adapter en fonction d’une grande diversité de contextes, de matières ainsi que d’apprenantes et d’apprenants. C’est un métier qui ne se prête pas aux généralisations. Il est néanmoins possible de fournir des lignes directrices et des principes fondés sur les pratiques exemplaires, la théorie et la recherche, que l’on doit ensuite adapter ou modifier en tenant compte des conditions locales.
  2. Nos croyances et nos valeurs sous-jacentes, généralement partagées par les autres experts en la matière, façonnent notre approche relativement à l’enseignement. Ces croyances et valeurs sous-jacentes sont souvent implicites et, habituellement, elles ne sont pas transmises directement aux étudiantes et étudiants, et ce, même si elles sont reconnues comme des éléments essentiels dans le processus menant à la formation de « spécialiste » dans un domaine donné.
  3. Les différentes théories de l’apprentissage reflètent des points de vue différents sur la nature de la connaissance.
  4. Chaque enseignant part d’une certaine position épistémologique ou théorique, même si elle n’est pas explicite, ou même si l’enseignant n’est pas pleinement conscient de ses croyances.
  5. À l’exception peut-être du connectivisme, il existe une certaine forme de preuve empirique à l’appui de chacune des théories de l’apprentissage décrites ici. La différence porte donc autant sur les valeurs et les croyances en matière de connaissances que sur l’efficacité de chaque théorie.
  6. Certains font valoir que les connaissances théoriques sont différentes des autres formes de connaissances et qu’aujourd’hui, à l’ère numérique, elles sont encore plus pertinentes.
  7. Les connaissances théoriques ne sont toutefois pas le seul type de savoir qu’il est important d’acquérir dans la société actuelle. En tant que membres du personnel enseignant, nous devons être conscients des autres formes de connaissances, ainsi que de leur importance éventuelle pour nos étudiantes et étudiants. En effet, nous devons nous assurer de leur transmettre une large gamme de contenus et de compétences essentiels en cette ère numérique.

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L’enseignement à l’ère numérique Droit d'auteur © 2023 par Anthony William (Tony) Bates est sous licence License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale 4.0 International, sauf indication contraire.

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