Scénario A 1 : Un professeur d’université confronté au changement
Voici une conversation entendue dans un café près du campus :
« Hé Frank, tu n’as pas l’air d’être très content.
Ouais, je suis vraiment en colère! Notre doyen a convoqué hier une réunion de tout le personnel enseignant pour discuter du nouveau plan pédagogique de l’université, autrement dit pour tous les départements de la Faculté. Je savais qu’il y avait eu des réunions plus tôt dans l’année, puisque j’ai assisté à quelques-unes d’elles. Tu sais, c’est toujours la même vieille rengaine au sujet de bâtir une université adaptée pour une nouvelle ère et de révolutionner la façon d’enseigner. Mais ces discussions ne semblaient pas avoir d’impact sur les cours que je donne, et il était évident qu’il n’y avait aucune menace de fermeture du département. Au contraire, il semblait que mes classes deviendraient encore plus grandes et qu’on nous demandait de faire plus avec moins. Ma recherche avance très bien, et il n’a pas été question cette fois-ci de m’obliger à prendre une charge d’enseignement accrue. À ce moment-là j’avais décroché, parce que j’avais déjà entendu tout ça plusieurs fois.
Mais dès que le doyen a pris la parole hier, j’ai vu tout de suite des problèmes à l’horizon. Il a d’abord parlé du besoin que l’enseignement dans notre département soit plus « souple ». Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire? Des exercices de yoga au début de chaque cours? Puis il a abordé les questions de « définir des résultats d’apprentissage clairs » et aussi de « la personnalisation de l’apprentissage ». Je pense que tout ça, c’est du charabia. Tout le monde sait déjà qu’il faut assimiler ce qu’on apprend, sinon ça ne fonctionne pas. Et mes cours évoluent constamment de toute façon : si je fixe des résultats attendus au début d’un cours, il est très probable qu’ils seront différents quand on aura atteint la fin de ce cours.
Mais le véritable coup de poing qui m’a convaincu que la situation allait devenir difficile, c’est cette déclaration : « Nous voulons que la prestation de la moitié des classes au moins soit faite en mode mixte ou hybride d’ici les cinq prochaines années. » O.K., je suppose que je pourrais me débrouiller avec ça, parce que j’utilise déjà le système de gestion de l’apprentissage pour soutenir mes cours magistraux. Mais quand le doyen a dit que ça signifie d’offrir le même contenu à travers divers cours et de se débarrasser de la plupart des cours magistraux, j’ai commencé à m’inquiéter vraiment. Ensuite, il s’est mis à radoter sur la nécessité de servir tous les types d’apprenantes et apprenants, depuis les élèves du secondaire jusqu’aux étudiants et étudiantes permanents, et aussi d’enseigner tous en équipe où des membres chevronnés du personnel enseignant auraient un rôle de conseiller pédagogique. Alors s’il pense que je vais permettre à n’importe qui dans notre département de décider ce que je vais enseigner, il a vraiment perdu la tête. Le plus terrifiant dans tout ça selon moi, c’est que le doyen croit dur comme fer à toutes ces balivernes.
Finalement, j’ai vraiment commencé à paniquer quand il a dit que nous devrions tous commencer à suivre des formations sur comment enseigner. En fait, j’obtiens de très bonnes évaluations de la part des étudiantes et les étudiants pour mes cours magistraux – ils adorent toutes mes blagues – et je n’ai PAS besoin que quelqu’un me dise comment enseigner ma matière. Je suis dans le peloton des chefs de file dans mon domaine de recherche au pays. Et après tout, qu’est-ce que des administrateurs peuvent connaitre sur la manière de l’enseigner? De toute façon, comment pourrais-je trouver du temps pour suivre ces formations? Je travaille déjà tous azimuts! Pourquoi ne nous laissent-ils pas en paix, en ayant confiance que nous réussirons le travail pour lequel nous sommes payés? »
Si cette conversation résonne un écho quelconque en vous, ce livre vous intéressera.